Goupil - Chapitre IV

Méréas Mer 10 Avr - 23:19

Goupil allait et venait alors que la princesse Florimel était reçue par la royauté en place.
Il n'avait rien senti, rien détecte d'anormal mais son instinct lui recommandait de se méfier.
Et son instinct ne lui avait jamais fait défaut jusque là. Sans compter que cette mission lui avait été confiée par le prince Bénédict en personne et que de ce fait, le grand stratège se méfiait lui aussi.
L'entrevue dura toute la journée et mise à part une inspection minutieuse du repas de la princesse il n'eut guère d'autre chose à faire.
Il réussit pour le moment à faire fi de ses sentiments pour Flora pour se concentrer sur sa tâche mais il dut admettre que c'était une bien dure discipline de l'esprit.
Il vérifia ses armes, réajusta son justaucorps, resserra sa ceinture. Elle sortit enfin de la salle du trône et le rejoignit à vive allure.

"Quelle bande d'hypocrites !

- un problème ?

- oui et pas qu'un !"

Goupil n'avait pas besoin d'avoir le nez fin pour deviner ce qu'il s'était passe. Ils avaient refusé de signer le traité. Même si lui ignorait ce qu'il contenait en détail, il avait apprit par ses sources qu'il s'agissait du contrôle des transports de céréales. Cela pouvait paraître anodin mais quant on pense qu'une armée dépend de l'etat de santé de ses moyens de transports, chevaux par exemple, l'anodin devient vite existentiel.

"Rentrons nous ?

- Pas immédiatement, j'ai réussi à les persuader de me recevoir à nouveau d'ici deux jours.
J'espère avoir de nouveau élément en ma faveur. Mon frère ne sera guère ravi d'apprendre mon échec.

- Vous n'êtes que la messagère et non point responsable du contenu du message.

- Tu es trop mignon, mais saches que je suis la co-auteur de ce traité.

- Oh..."

Elle lui caressa rapidement la joue et reprit sa marche. Lorsqu'ils atteignirent leur quartier, elle se dévêtit rapidement et prit un bain. Lui resta à son poste dans la pièce d'à côté.
Certes ils étaient amants, mais ici dans le château royal d'Eregnor, il ne pouvait risquer d'être découvert. Aussi s'était-il juré de ne pas la rejoindre dans son lit durant leur séjour.

Le lendemain la tension était palpable dans le château. Goupil pouvait sentir les nobles aux bords de la crise de nerf. Il admit s'être trompé quant à l'importance de ce traité et visiblement les tractations ne se déroulaient pas sous les meilleurs hospices.
Il réussit à capter quelques brides de conversation dont une lui retint particulièrement l'attention.

"... un assasin parait-il.

- Quoi, ici ? dans le chateau ?

- Oui.

- Impossible, et admettons. Qui serait la cible ?

- La princesse d'Ambre ...."

Même s'il n'était pas question de Flora, Goupil aurait suivit l'affaire.
Il apprit rapidement qu'un ennemi d'Ambre, impossible de savoir qui, aurait envoyé un spadassin tuer la princesse afin de faire échouer les pourparlers mais aussi pour lancer un ultime défi à la cité légendaire.
Il serra sa protection de plus belle mais comment faire pour démasquer l'assassin avec si peu de rayon d'action ?
Le soir arriva et il fut informé qu'ils restaient une journée de plus.
Au repas, il alerta la princesse de ce qu'il avait apprit, elle en rigola.

"Si je devais m'abstenir de sortir de chez moi à chaque menace de ce genre, je finirais vieille fille.

- Je pense que la menace est sérieuse, princesse.

- Oui, peut être, mais mon frère m'a confié à toi. J'ai pleinement confiance en son jugement."

Goupil se sentit flatté quelques instants. Une fois de plus, il refusa de la rejoindre sous ses draps prétextant une énième ronde de surveillance. Il la rejoint néanmoins tard dans la nuit, elle ne dormait pas. Attablée à son bureau elle écrivait quelques lignes dans un lourd grimoire qu'il ne lui connaissait pas.
Elle le regarda sérieusement, se tourna vers lui et d'un geste l'invita à s'assoir sur la chaise inoccupée de la pièce.

"Dis moi, mon goupil, tu m'as raconté ce que tu étais devenu grâce à mon frère mais avant cela ?

- Je vous l'ai aussi raconté princesse, je suis issu d'une ombre servant d'entrainement au prince Bénédict. Nous étions formés pour faire la guerre, rien de plus.

- Hum, rien d'autre ?

- Non."Il ne voyait pas où elle voulait en venir.

"Je voulais en savoir plus sur ta famille, ton enfance...

- Je ... je ne m'en souviens pas."Il ne chercha pas à comprendre pourquoi elle demandait cela, elle était princesse et les paroles d'une princesses n'étaient pas à douter, mais cela provoqua un émoi en lui. Il se concentra et chercha le plus loin dans sa mémoire.

"Tout ce dont je me souviens, non pas un souvenir, un rêve plutôt, c'est une étrange personne. Pas votre frère, ni un Arcanien, nos ennemis, ni un des miens. Un étranger.

- A quoi ressemblait-il ?

- Difficile à dire, c'est très flou."

La princesse claqua une fois des doigts. Goupil fut prit d'un frisson irrépressible. Un sentiment étrange se manifesta, son sixième sens se mit en éveil. Instinctivement, il porta la main sur la paume de son arme. Flora le regarde attentivement.

" Et ?

- Et... c'est tout, après la guerre.

- Cette silhouette, des vêtements ? des cheveux ?

- Surement oui, mais je suis au regret de vous dire que je suis incapable de m'en souvenir. Et quelle importance, juste un rêve.

- Peut être, peut être pas."

Elle sortit un jeu de carte de sa robe et en étala toutes les cartes. Goupil les regarda et constata que les têtes étaient des représentations de la famille royale d'Ambre. Il se souvint avoir vu Benedict user de telles cartes.
L'une d'elles attira son attention.
Flora claque une seconde fois des doigts. L'air s'alourdit autour de lui, la lumière s'assombrit, il avait l'impression de pénétrer des ténèbres.

"Un visage familier ?

- Le votre, le prince Bénédict, le prince Gérard que j'ai croisé brièvement. Le roi Random. Et ... oui, cette carte !"

Ce qui suivit se déroula si vite que Goupil eut à peine le temps de comprendre. Flora claqua une troisième fois les doigts. Sans se contrôler, il dégaina son arme et tenta, lui, de tuer la princesse. Mais elle était préparée. elle esquiva promptement l'attaque et d'une parole, il sentit tous ses muscles se paralyser. Il tomba à terre, inerte et se retrouva ficelé à une chaise en moins d'une minute. Flora se révéla d'une forte qu'elle ne laissait pas présager. Les liens étaient solides et il hurlait des insanités alors que son esprit appelait à l'aide. Il n'était plus maître de son corps.
Il ne comprenait pas, comment lui, amoureux de la plus belle de princesses, avait-il pu attenter à sa vie ?
Comme si elle lisait dans ses pensées et lui répondit à a question.

"Pauvre Goupil.
Je suis navrée, mais tu as été l'instrument d'un complot malgré toi.
Le prince Bénédict s'en est douté dés le début. Lui qui connaissait par coeur tous les hommes de son ombre fut fort étonné d'en rencontré un étranger.
Il t'a prit sous son aile plus pour te surveiller que pour t'entrainer. Mais à sa grande surprise, tu semblais être ce que tu prétendais.
Ce fut là son erreur, avec toutes les années tu as réussi à endormir sa méfiance. Comme quoi nul n'est infaillible. Mais il ne faut jamais baisser sa garde devant lui. Quelques menus indices lui ont démontré qu'il fallait qu'il se méfie à nouveau de toi.
Ne t'en veux pas, petit chat, tu ne savais pas. Comment aurais-tu pu imaginer ?
Quant à nous deux, ne t'inquiète pas, j'ai pris vraiment plaisir à nos petits jeux mais en connaissance de cause."

Un coup sur la tête et il sombra dans l'inconscience.
Goupil se réveilla, à sa grande surprise, et constata qu'il était libre de ses pensées et mouvements.
Où était-il ? Mystère.
Autour de lui un champs de blé, au loin une bâtisse.
Il s'y dirigea, frappa à la porte. Personne.
Il n'aperçut le mot cloué au bois que quelques secondes après. Son nom est inscrit par une écriture élégante, celle de Flora.
Il prit la note et la lit.

Le prince Bénédict et moi avons convenu qu'il sera indécent de te supprimer. Mais nous ne pouvons nous permettre de te garder près de nous ou dans un endroit où nos ennemis pourrait te retrouver.
Tu es dans une ombre éloignée de tout et surtout des miens.
Sois en paix et profites de tes dernières années.

Il froissa la note et pénétra la demeure. Cossue et confortable, les princes lui accordaient une retraite confortable. Il repensa à sa famille, c'était si loin.
Doutant qu'il puisse rencontrer âme qui vive, il ne chercha même pas à s'enfuir ni même à chercher.
Il trouva de quoi cultiver, quelques animaux de ferme à élever et de quoi écrire pour les soirées fraîches de la saison morte.
Un soir, il sentait son heure venue, il prit sur lui de relater son histoire par écrit. Elle ne sera jamais lue, mais qui sait ?