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Chapitre 1 : Dans le reflet du miroir (L'Amoureux)

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Chapitre 1 : Dans le reflet du miroir (L'Amoureux) Empty Chapitre 1 : Dans le reflet du miroir (L'Amoureux)

Message  Sance Dim 15 Nov - 11:06

Une jeune femme, de trois quarts dos, se tient debout, accoudée à un clavecin et une lettre à la main. Son visage, séduisant mais froid, apparaît dans le cadre élaboré d'un grand miroir d'argent placé au dessus de l'instrument. Par ce biais, elle observe autant qu'elle juge le spectateur d'un air sévère. Ses vêtements, riches et précieux, s'accordent au luxe délicat des meubles et de tentures qui l'entourent.

"Je ne l'aime pas... La femme, je veux dire ! Qui est-ce ?
- Une princesse morte, le souvenir d'un monde disparu. Belle. Glacée. Je suis content qu'elle ne te plaise pas."


Chapitre 1 : Dans le reflet du miroir (L'Amoureux) Ch1_sm10




La douceur du soir enivrait lentement Sance. Au loin, le cri d'un goéland ne parvenait pas à gâcher la sérénité du crépuscule.
"Vous ne vouliez pas croire, Zantche, que nous avons une vue remarquable sur le port de Maremme depuis mes appartements...
- Oui, ma Dame. On distingue même mon navire, presque au bout du quai."


Sance tendit son bras pour désigner les deux mâts parés de voiles rouges et blanches. Seuls, côte à côte, elle et lui, la princesse et le marin, ils admiraient la mer depuis le balcon exigu d'une aile isolée du palais. Eirinn resta immobile quand Sance souffla à son oreille :
"Il est facile d'accepter la défaite quand on souhaite la victoire de son adversaire."
Eirinn se retourna et sourit, ses yeux gris plongés dans ceux de Sance.
"Je ne suis pas votre adversaire, vous le savez fort bien depuis le premier jour de notre rencontre." Sance se souvenait du quai où ses hommes avaient déchargé au petit matin leurs marchandises, et de l'apparition inattendue de cette silhouette frêle et décidée à la recherche d'onguents contre les morsures du feu. "Je suis votre amie, Zantche.
- Seulement mon amie ?"
demanda Sance avec un ton faussement déçu.

Sur le balcon d'un palais au milieu des mers, deux silhouettes s'unirent en un baiser, perdues dans l'air si tendre d'un été qui s'achevait.

.oOo.

"Oh !... Banbha ! Banbha, viens vite !
- Qu'est-ce que... Oh, Fodhla, tu n'as pas honte ? Tu sais bien qu'Eirinn nous a interdit d'entrer dans sa chambre quand elle n'est pas là."

Des chuchotements excités et des rires étouffés s'insinuaient dans les rêves de Sance.
"Il faut le réveiller, Fodhla. Ce n'est pas bien de regarder les gens comme ça... quand ils... dorment.
- Allez, Banbha... Laisse-moi le regarder encore un peu. Il est si beau !
- Oui, oui, c'est vrai. Mais c'est dangereux. Tu te rappelles Greine ?"


La bulle du rêve finit par éclater. Sance ouvrit les yeux : deux jeunes filles vêtues de blanc, placées de part et d'autre de sa couche, le regardaient. Leur excitation se teinta de gêne, et elles commencèrent à s'activer en détournant le regard. Fodhla tira les rideaux à la fenêtre tout en marmonnant :
"Bon matin, mon seigneur. Nous sommes les servantes de la princesse Eirinn d'Ernmas."
Banbha ramassait distraitement des tissus rouge et argent épars au sol, et enchaîna:
"Elle... elle ne nous avait pas averties de votre présence.
- Bon matin, mes demoiselles. Je m'appelle Zantche d'Elyons. Mon invitation ici a été... impromptue."


Sance sourit en contemplant la bague de platine à son doigt. Le baiser d'Eirinn, la main de Sance descendant le long de son épaule, la chaleur de sa peau contre son corps... Et plus tard dans la nuit, cette princesse qui lui avait remis un anneau précieux en murmurant : "Un cadeau pour le temps que vous passerez à mes côtés, Zantche. Puisse-t-il durer une éternité."

Rouge et argent ? Ses couleurs ? Ses vêtements ?

Sance jeta un regard inquiet autour de lui. Puis, lentement, avec toute la dignité requise à l'accomplissement d'un rituel, il commença à tirer à lui le drap de satin blanc plié au coin du lit. Banbha et Fodhla pouvaient bien feindre l'innocence, Sance avait dormi sur ce lit sans le moindre tissu pour le couvrir, et ces demoiselles guère farouches avaient longuement admiré la nudité de son corps avant de le réveiller. Il n'avait aucune envie de jouer à ce petit jeu plus que nécessaire.

"Excusez-nous, mon seigneur, nous ne voulions pas... vous déranger. Et s'il vous plaît, n'en parlez pas à la princesse, implora Banbha avec une voix nerveuse. Elle... nous punirait. Elle peut se montrer si mé...
- Laisse notre seigneur tranquille,
la coupa Fodhla, d'un ton affolé. Ton bavardage ne l'intéresse pas !
- Ne vous inquiétez pas. Je ne lui dirai rien. Après tout, quel mal y a-t-il à regarder un homme... dormir ?"
Le ton de Sance, d'une parfaite douceur, calma les deux servantes. Que pouvaient-elles tant craindre d'une femme aussi belle et aussi sage qu'Eirinn ?

.oOo.

Les semaines passaient, chacune aussi parfaite que la précédente. Eirinn fit découvrir à Sance les palais et les temples de Maremme, le long de ses placettes paisibles et ses canaux enchevêtrés. Il l'emmena sur un voilier léger jusqu'aux les îles cachées des lagunes, où ils passaient des heures à l'abri de criques secrètes. Entre les bras de son amant, Eirinn n'était que douceur, volupté, amour.

Un dernier soir, alors qu'ils rentraient dans sa chambre à la clarté de la lune naissante, Eirinn constata d'une voix émue : "Voici un mois que nous nous connaissons, Zantche.
- Et j'en savoure la moindre seconde, chère princesse d'Ernmas.
- Je l'espère,
lui répondit-elle avec enthousiasme. Elle l'embrassa longuement. Lorsque leurs lèvres se séparèrent enfin, Eirinn saisit un miroir d'argent posé sur sa commode, et le tendit d'une main frémissante.
"Il y a quelque chose que je souhaiterais vous montrer, Zantche. Regardez ce miroir."

Inquiété par la fébrilité d'Eirinn, Sance prit le miroir au cadre ovale finement ciselé. Les chandelles de la chambre éclairaient d'une lumière sans cesse changeante le reflet de son visage.
" Qu'y a-t-il, Eirinn ? Que...
- Concentrez-vous sur ce qu'il vous montre, je vous en prie."


Déconcerté par le ton presque suppliant d'Eirinn, Sance obéit. Derrière la surface brillante, son visage le regardait et il regardait son visage. Les ombres dansaient autour d'eux et que le silence se faisait plus profond, la respiration d'Eirinn plus lointaine. Sance et son reflet s'observaient, face à face, immobiles, perdus dans une contemplation mutuelle.

Par un curieux tour de l'éclairage vacillant, le reflet sembla lui sourire. Une illusion... Non. Non, ce n'était pas une illusion. Le reflet souriait bel et bien. Il commença même à rire franchement. Sance entendit son propre rire sortir de sa gorge, un rire sauvage, presque rauque, qui l'effrayait, le paniquait. Qu'est-ce que... S'arracher à cette image. Il le fallait. Vite !

Mais il n'y avait déjà plus de cadre ovale autour du reflet de Sance, plus de main pour tenir ce cadre, plus de corps pour guider cette main. Où était-il ?

"Inutile de te débattre, pauvre fou."
Le reflet regarda Sance avec un air cruel qu'il ne se connaissait pas :
"Je suis Elathan d'Ernmas -- oui, Eirinn est mon épouse. Et toi, mon pauvre Zantche, tu vas rester dans ce miroir bien gentiment pendant quelque temps, tandis que je profite de ce magnifique corps que tu viens de m'offrir."
Il continua d'une voix plus grave.
"Cela ne devrait hélas pas durer très longtemps, dix ans tout au plus, si tu es suffisamment endurant. Une fâcheuse malédiction me poursuit -- mes enveloppes charnelles ont la détestable habitude de mourir lentement, consumée d'un feu impossible à éteindre. D'où cet emprunt, temporaire. Je retrouverai ma place dans ce miroir lorsque ton corps ne sera plus qu'une ruine inutilisable..."

Elathan s'arrêta. Eirinn, la belle Eirinn, la sage Eirinn, apparut et embrassa avec fougue la bouche de Sance. Une bouche que celui ne sentait plus, pas plus que le reste de son corps, à présent animé par un être dont il ignorait tout. Sance n'était plus rien, non, rien qu'un esprit de colère et de haine, tournoyant sans relâche parmi des reflets argentés et scintillants d'un miroir trompeur.


Dernière édition par Sance le Mer 25 Nov - 10:13, édité 11 fois
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