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Saisei Mar 16 Mar - 20:35

Je suis au centre de la Marelle. J'y suis parvenu et étrangement ce qui devait être l'épreuve la plus dure de ma vie n'est qu'un flou souvenir dans mon esprit.
Je réajuste mon col et ma rose d'argent. Je vérifie que mon arme glisse bien dans son fourreau. Par ma simple volonté, la Marelle peut me transporter où je le désire. Reste à savoir quel est mon souhait.
En y réfléchissant bien, je ne me souviens même pas dans quel but j'ai franchi les voiles mortels.
Mes souvenirs sont intacts, la guerre contre les cours, moi traçant cette Marelle, un long pèlerinage, Grayswandir, mes frères et soeurs, mon père Obéron, Dworkin, mon fils Merlin. Darla.
Je me souviens du moindre détail de ma longue vie et pourtant je ne parviens pas à mettre le doigt sur la motivation qui m'a poussé à franchir de nouveau la Marelle.
Un flash, je disparais puis réapparais non loin de là, à quelques mètres du tracé. Sans rien avoir demandé. Sans doute s'impatientait-elle ?
Une voix dans ma tête.

"Quelqu'un approche, tues-le."

Instinctivement je dégaine mon arme et me poste à la position la plus stratégique du coin. La tension est palpable et sans comprendre pourquoi, je me dois d'obéir à l'injonction.
Il approche, je ne le vois pas mais je peux le sentir. Derrière les rochers à une dizaine de mètres devant moi.

"Pas un pas de plus." Lancé-je.

Une envie de rire vient de suite, un chat. Un petit chat noir vient de se découvrir. L'adrénaline retombe aussi vite qu'elle est montée. Bien sur je me demande bien ce que cet animal vient faire ici et pourquoi la Marelle veut-elle le tuer.

"Ma foi tu es plutôt petit, je m'avance, j'aurais cru avoir à faire à plus forte partie." Je le tâte de la pointe de l'épée histoire d'être sur de ne pas être fourvoyé par une illusion. Non, il est bien réel. Et si il n'était qu'une diversion ? Je scrute les environs.

"Je me demande, pensé-je à voix haute, ce que tu viens faire ici."

"Je l'ignore" répond-il. Je sursaute de surprise, il parle ! Incroyable !

"Mais tu parles le thari ?"

"En effet messire, tout comme vous, et la réponse à votre question est; je suis ici car c'est ici que je suis né."

Né ici ? Que veut-il entendre par là ? Est-il originaire de cette région avant que j'y trace ma Marelle ? Je range mon arme vers laquelle le chat semble étrangement attiré. Je croise son regard. Il me met mal à l'aise et pourtant c'est comme si je le connaissais. La Marelle m'apporte la réponse. Les étoiles qui composent son corps sont les mêmes que son tracé. Il est issu d'Elle. Il est sa création. Mais dans ce cas, pourquoi veut-elle sa mort ?

"Soit, je te crois, pour l'instant. Mais qu'espère tu trouver aujourd'hui ici ? Cet endroit est menacé et désert. Tu ne trouvera aucun secours." Lui dis-je.

"Je la trouverais elle." Sa réponse évidente me fait rire.

"Et tu penses pouvoir aller la voir ? Subir ses souffrances et le tout sans mourir ?" l'avertis-je.

"Elle est ma mère tout comme mon père est mon père." Il me confirma ce que j'avais vu. Je me tus.

Puis j'ajoute : "Ta mère ? tu la considére comme ta mère ? Saches, petit qu'elle n'est la mère de personne et elle te tuera si tu la déçois."

Issu de la Marelle, capable d'arriver par ses propres moyens jusqu'ici, il savait voyager en Ombre. Incroyable.

"Je ne comprends. Pourquoi tiens-tu à cela ? Déjà te savoir en vie et apte à voyager devrait te suffire. Jamais un être de ta condition aurait pu en espérer autant.", j'espérais le convaincre de faire demi-tour.

"Plus rien n'a d'importance, j'ai perdu la seule personne que j'estimais et la mort sera une délivrance. Mais seulement si c'est elle qui me l'accorde." Est-ce son intelligence éveillée ou ce qu'il venait de me dire de sa voix ronronneuse, il m'émeut.

"Et bien soit." Fais-je en m'écartant. Le chat s'avança. Encore cette voix.

"Tue le, ne le laisse pas s'approcher. C'est pour cela que je t'ai crée !"

Crée ? Oui, bien sur. Un spectre, voilà ce que je suis. Un spectre de Corwin dont la Marelle a donné vie le temps d'une mission. Et bien foi de Corwin, je n'en ferais qu'à ma tête et ce n'est pas ma création qui me donnera des ordres aujourd'hui.

J'interpelle le chat.

"Dis moi, singulier personnage, comment s'appelait ta bien aimée ? et toi même quel est ton nom ?"

Il fit un pas, plus qu'un avant de mourir enflammé par la Marelle. Il se tourne vers moi.

"Messire Corwin, je n'ai jamais dis que cette personne était une femme, IL s'appelait Méréas, il était votre fils et je m'appelle Nyx."

Alors même qu'il s'engage sur la Marelle, je me retiens de le stopper. Mon fils ? Méréas ? Je n'ai pas de fils de ce nom, mais pourquoi aurait-il menti ? Un deuxième pas et toujours en vie.
La Marelle ne peut le détruire si aisément. Je souris, bravo petit être.

Je ne peux m'empêcher de penser à ma raison d'être. Elle ne voulait pas que cet animal ne parvienne jusqu'à elle. Ne pouvant le tuer elle même, elle m'a invoqué pour cela. Mais que craignait-elle de lui ? Certes, un animal hors du commun du à son origine. A-t-il des secrets trop lourds ? et ce Méréas ? Etait ? Il est donc mort. Mon fils mort ? Qui ? comment ? pourquoi ?
Et pourquoi m'en soucierais-je après tout ? Je ne l'ai jamais connu et n'ai pas la certitude de cette paternité. Mais en était-il différent pour Merlin envers qui mon affection s'est immédiatement portée ?

Je regarde la Marelle, Nyx arrive a son centre. Il est parvenu à franchir les voiles. Voilà, il a réussi. Il regarde dans ma direction puis disparait. Ou l'a-t-elle emmené ?
Une réponse me parvient.

"Là où il le souhaitait puisque tu n'as pas eu le courage de le tuer.

"Le tuer ? Un chat ? Tu parles d'un courage !" Retorqué-je

"J'aurais du faire appel à ce Luke ou même Merlin, ils n'ont pas ton impertinence."

"Tu aurais du, oui." Réponds-je un sourire aux lèvres. "Alors combien de temps m'as-tu accordé ?"

"Peu."

"Parfait, alors tu ne m'en voudras pas si je te laisse." Je pars en courant par delà la colline.

"Reviens ! tu es à moi !"

Je l'ignore. Hors de vue, je sens mes forces décliner à grands pas. Damné elle ne mentait pas. Juste assez de vie pour tuer un chat, quelle disgrâce. Je prends Grayswandir, du moins sa copie, et m'entaille une veine. Dworkin m'a montré ce tour de passe passe un jour. Mon sang jailli et s'enflamme au contact de l'air. Merde. Je tente de me contrôler. Le sang perle à nouveau. Ouf. Je modèle, sculpte avec mon fluide vital un corbeau. Nostalgique. Je le dote de la parole.

"Va, fidèle serviteur. Trouve moi n'importe où dans les ombres et transmets moi ce message : Tu as un fils, Méréas. Il est mort mais ne laisse pas ce crime impuni."

Je disparais dans un éclair de toiles, les fils qui me composaient se délitent pour ne laisser que le néant. Puisse mon messager trouver mon moi original.

***

Voilà plusieurs jours que je vole à la recherche de mon père. Son double, son spectre, m'a crée avec l'unique mission de transmettre un message. Message je transmettrais car je n'ai nulle autre envie. Mais où est-il ? Je peux sentir sa trace à travers les voiles d'ombre. Les terres que je survole ne sont que poussière à mes yeux, même celle ci, luxuriante végétation, aucun animal dangereux, des gens, paysans, vivent paisiblement et pourtant cela ne m'intéresse pas. Cette ombre n'est pas mon but. Ni même la suivante, je dois éviter vaisseau et chasseur. Je dois être le seul volatile encore vivant. Peu importe je la laisse derrière moi. Sa trace s'estompe, je me perds. Il n'est pas mort, cela j'en suis certain, mais il est désormais dans un endroit qui m'est inaccessible. Je ne peux faillir à ma mission. Je continue, des plumes de sang se perdent dans mon sillage. Je perds consistance. Tout comme mon créateur je ne suis qu'illusion et vais bientôt disparaître. Il est impensable que j'échoue. L'échec n'est cependant pas loin. Là, une personne, elle est différente. Elle porte en son sein la trace du pouvoir. Mais il est différent, qu'importe, je n'ai plus que quelques minutes. Je viens me poser sur son épaule. Surprise, elle tombe à la renverse. Je vais me poser sur une branche plus loin, elle se relève, l'arme à la main.
Je délivre mon message. De nouveau surprise, elle pleure ensuite puis hurle. Peu importe, je n'ai pas totalement échoué, je disparais dans un nuage de plume.

Nyx - Chapitre II

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