Un et deux - Chapitre IV

Méréas Lun 18 Avr - 13:37

Jack sortit du commissariat le lendemain de son arrivée. Après de longues vérifications et un interrogatoire digne du FBI il montra qu'il avait patte blanche et ils durent, à contre cœur, le laisser partir.
Le nouveau maire de Los Angeles menait une croisade contre la pauvreté. Mais non content d'aider les nécessiteux, il les chassait sous couvert de la loi. Restaient quelques irréductibles qui, n'ayant rien à se reprocher jusqu'alors, pouvaient demeurer au grand désarroi de la ville dans ses rues.

La nuit en prison lui fit oublier l'étrangeté de son voyage et il erra dans les rues de LA par un beau soleil. Si la ville méritait sa notoriété, il la trouvait vide de toute âme. Tout était factice jusqu'à la poitrine des femmes.
Ses pas le menèrent à une galerie d'art. Il contempla les œuvres exposés et se dit qu'il avait un tout aussi bon niveau de maîtrise. Il entra et proposa ses services, montra ses croquis et fut embauché comme illustrateur pour les plaquettes publicitaires de la galerie. Un début se dit-il et avec le salaire, il n'aurait pas à coucher dehors.

Son nouveau patron, un homme débonnaire d'une cinquantaine d'année, lui accorda une semaine d'avance sur son salaire.
Les billets en poche, Jack se loua rapidement un petit studio à deux pâtés et se rhabilla. Il prit un copieux déjeuner et commença sa première journée.

Les semaines qui suivirent furent plutôt agréable. Jack rencontra Erin lors d'un vernissage. Ils se sont tout de suite plus. Son boss était satisfait au point de lui promettre une expo dans les mois qui venaient. Bref, la vie apportait son lot de bonne chose pour Jack.
Un an plus tard, Erin emménageait et Jack était connus de toutes les célébrités de LA. L'argent n'était plus un problème.

C'était un soir de printemps. Le temps était idéal comme souvent quant on est riche. Jack enlaçait Erin sur le divan du patio. Ils écoutaient du Gershwin, le compositeur préféré d'Erin.
Les yeux de Jack se posèrent alors sur un nouveau cadre, enfin un vieux cadre mais nouveau dans la décoration, qui était accroché à un des montants de la véranda.

"Qu'est ce que ça fait là ?" demanda-t-il.

"Je l'ai trouvé dans un de tes vieux cartons, il m'a plu." Répondit-elle simplement.

Jack n'avait pas revu le cadre depuis le jour où il avait emménagé dans son studio. Il haussa les épaules et embrassa celle qui, il l'espérait, allait devenir sa femme.
Le reste de la soirée fut paisible, ils dinèrent léger, firent l'amour et s'endormirent.
Mais Jack se réveilla rapidement, il était nauséeux. Les crevettes pensa-t-il. Il prit un cachet puis alla dans le patio en attendant que ca passe. Il alluma une bougie et ouvrit un livre en s'asseyant sur le divan. La lecture lui donna le mal de mer, il posa rapidement le livre sur la table basse et fit quelques pas. Il avait horreur de vomir et tâcha de se retenir. Il s'arrêta devant le vieux dessin des deux jawas. Son regard le jugea tel un critique devant une œuvre. Joli coup de crayon, traits assurés, jamais il n'aurait pensé que son croquis avait été aussi bon, il était alors presque saoul.
Il resta là, pendant plusieurs minutes bien incapables de se détacher du dessin. Il examina la capuche du jawa de droite, celle qu'il pensait avoir raté, mais elle cadrait bien. Il s'attendait presque à la voir bouger mais rien ne se produisit.
Il allait passer à autre chose quand son regard s'arrêta sur un détail. Le verre du premier. A moitié plein. Il était pourtant sûr de l'avoir dessiné plein, totalement.
Le temps avait-il estompé la couleur ou un défaut du papier. Non, le trait était net et on devinait même un léger mouvement dans le liquide comme si le personnage faisait tourner le verre dans sa main.
Incroyable.
Il avanca la main, son doigt pointant le verre. Ce dernier allait effleurer le cadre et Jack fut prit d'un frisson. Il savait, il sentait que si il touchait le dessin quelque chose allait se produire.

"Jack ?" Il sursauta.

- Aaahh ! Tu m'as fais peur. dit-il à Erin qui venait d'arriver. Vêtue d'une nuisette, elle était charmante.

– Désolée, je ne voulais pas. Je m'inquiétais.

- Ne t'en fais pas, je digère mal le repas, j'avais besoin de me lever.

- Oh, et bien ce cas, viens, nous allons trouver quelque chose pour te soigner."

Erin lui prit la main et l'emmena dans la chambre où ils firent une deuxième fois l'amour. Cette fois, il dormit bien.

*-*

Un et Deux s'arrêtèrent un moment. Deux leva la tête aux aguets.

"Tu as entendu ? fit-il.

- Non, répondit Un qui aussitôt tendit l'oreille.

- Quoique. Peut être. Oui là un murmure."

Les minutes passèrent sans que rien d'autre ne se manifeste.

"Qu'est-ce que c'était ?demanda Deux.

- On aurait dit des voix, supposa Un, j'ai cru entendre les mots 'peur' et 'soigner', en anglais ?

- Incroyable !

-Stupéfiant !

-Extraordinaire !

- Inimaginable !

-Depuis combien de temps ?...

-Jamais, cela n'est jamais arrivé."

Un et Deux restèrent silencieux pendant des heures avant de classer l'événement dans la case : événements inexpliqués et inexplicables. Quoiqu'il en soit, ils avaient là de quoi tergiverser pendant des jours.

*-*
Ce fut le troisième incident.