L'Antre du Serpent (Darla, Sance)

Je lui tends la main... et le récupère contre moi. Etendant mes branchages, j'essaie de le camoufler aux creux de mes branches, m'affinant pour me grandir, afin qu'il puisse rester caché sans avoir à trop se tordre.

Spoiler:

[Edit MJ]

Etrange sentiment que celui d'être protégé par le feuillages de Darla. Comme lorsque je jouais, enfant, dans les rares forêts de ma patrie...

Je touche l'écorce pour répondre rapidement par la pensée.

- Tout va bien... pour l'instant. Il faut que je parte. Ambre ou les ombres.

* Ambre probablement, malgré les avertissements d'Aratan *

Je continue à contempler l'assemblée des démons. Derrière l'inquiétude de Darla à mon égard, je sens la volonté de l'arbre farouchement enraciné.

- Et toi aussi. Merlin a probablement quitté les Cours. Ta famille sera pourchassée par les prêtres. Tu seras pourchassée, Darla.

* J'ai vu des fanatiques commettre trop d'atrocités au nom de la pureté et de la sainteté pour accepter de te laisser ici. Ces prêtres sont puissants, d'une puissance qui t'échappe... Ils ont failli tuer le roi des Cours, un sorcier accompli ! *

- Tu n'es pas plus en sécurité que moi ici.

Je tire l'atout représentant la chambre de Darla.

Je le laisse nous mener dans ma chambre, le laisse sortir de mes feuilles, et réponds alors, de vive voix :

- Je ne peux pas tout laisser ainsi ! Il faut que je sache ce qu'il va advenir de ma mère. Je ne la porte pas dans mon coeur, c'est vrai, mais je ne peux pas la laisser en danger ! Si je vois que la fuite est le seul recours, alors je fuierai, mais seulement à ce moment-là. Tout cela, dis-je en étirant mes bras/branches vers les murs, englobant tout les passes de mon esprit, c'est aussi ma vie, mon héritage. Veux-tu que je le laisse être bafoué sans rien dire ? Je tendrai des embuscades, ferait payer par les sang ce blasphème ! Et je défendrai l'honneur du roi, et l'honneur du Chaos. Le prêtre voulait déclarer la guerre à Ambre ! Après toutes ces années de paix ! Je n'ai pas envie de laisser faire cela ! Je ne veux pas rester les bras croisés ! J'ai envie de me battre pour ce nouveau monde construit au prix de tant de sang !

Je constate avec un calme qui m'effraie moi-même.

"La guerre va être déclarée. Les prêtres voulaient faire fuir Merlin, et la faction en faveur d'Ambre, pour prendre le pouvoir et lancer leurs troupes sur... Non ! Dharma tout puissant !"

* Aratan a parlé de troupes du Chaos venues exprès en Ambre pour les soutenir contre les attaques d'un seigneur des Lisières... Mais si les troupes changent de côté, jamais Ambre ne pourra contenir deux fronts simultanés. *

"Ambre et les Cours..." Et nous deux, Darla et moi, au milieu... "Ambre et les Cours sont en danger l'un comme l'autre. Et je souhaite autant que toi qu'ils vivent en paix, ensemble. Je n'ai pas l'intention de rester les bras croisés, moi non plus, en regardant les deux poles de l'Univers s'annihiler. Mais ici, je suis une cible bien trop facile. En Ambre, je pourrai peut-être agir."

Je prends le bras de Darla et la regarde droit dans les yeux.

"Je comprends ton attachement à cet endroit. Mais les poings ne suffisent pas toujours pour lutter face à des prêtres et face à des guerriers. Et sauras-tu arrêter avant qu'il ne soit trop tard ? Je ne veux pas..."

* Te perdre... *

Au fil des paroles de Darla, une part de moi agonise lentement. Elle a raison et mes discours n'y changeront rien.

Nous avions envisagé notre séparation comme un jeu qui pouvait s'arrêter à tout moment, une mascarade pour tromper notre entourage, le temps d'arriver à nos fins. Mais les enfantillages ne sont plus d'actualité. A présent... qui sait quand et où nous nous retrouverons ?

* Si nous nous retrouvons... *

Un pli amer se forme au coin de ma bouche. Un pli si facilement retrouvé, et que j'avais mis du temps à perdre. Je continue d'une voix rauque : "Bien. Promets-moi simplement que tu ne t'obstineras pas."

Je m'efforce de sourire, d'une manière bien terne en vérité.

"Au revoir, Darla. Et n'oublie pas que tu me dois encore une visite des Cours..."

Je détourne les yeux.

Mue par une subite impulsion, je l'étreins comme un enfant étreint sa mère avant son premier jour d'école, et comme une mère étreint son fils avant qu'il ne parte en guerre :

- Tu vas me manquer, Sance, dis-je à son oreille.

Jamais je ne me suis jamais tenue aussi prêt d'un homme. Quelque chose en moi résonne que je laisse s'éteindre. Mon ami va me manquer.

Obéissant à la demande alors même que je n'ai pas envie de quitter ce moment, je m'éloigne sans me retourner, ferme la porte derrière moi, porte contre laquelle je m'adosse quelques instants. Je ne comprenais pas pourquoi la plupart des gens n'aimaient pas les adieux. Maintenant je sais. Cette tristesse qui m'étreind me laisse comme sans force, sans souffle. Quand le reverrais-je ? Et dans quelle condition ? Sera-t-il devenu un ennemi ? Pourra-t-il communiquer avec moi sans courir un danger ? Sans se faire appeler "traître" ? Que de questions sans réponse, comme autant de déchirements.

J'ouvre les yeux, regarde le couloir. Il n'est pas temps de rêvasser, la situation est urgente. Je n'ai pas le droit de me laisser aller. Je n'en ai pas le temps. Qui sait si des ennemis ne vont pas arriver d'un instant à l'autre ? Où est ma mère ? Que compte-t-elle faire ?

Et dans le même temps que j'avance vers le rez-de-chaussée, j'ai une envie folle de courir vers ma chambre et de lui demander de ne pas partir, ou de m'emmener avec lui...

Je serre des poings et des dents, décide d'avancer pas à pas, des pas de plombs et de regrets, en espérant trouver une quelconque trace de vie dans ma demeure.

Spoiler: