Nouvelle 9 : Laissé Pour Mort

Ames sensibles, s'abstenir. Cette nouvelle est un tres humble clin d'oeil à tous les films et jeux de zombies comme Shaun of the Dead, Army of Darkness, 28 jours plus tard et autre Left4Dead que j'ai eu un jour la chance d'apprecier...

Le medecin sortit l'aiguille du bras de Dan d'un geste rapide et assuré, et du bout de ses gants de latex s'empressa de lui appliquer le coton avant que le liquide noiratre ne se mette à jaillir. Du menton, le visage couvert par un bonnet sanitaire et un masque médical, il fit un signe à l'ancien policier. De toute façon tout le monde était un ancien quelque chose desormais. Il s'executa et tint la petite boule blanche, permettant au docteur de déposer le test-tube dans la centrifugeuse, d'enlever le garot du bras gros comme une cuisse du trentenaire au crane rasé, et d'appliquer un sparadra sur le bout de coton.

La voix de Dan était lasse et vide d'energie.

"Je le saurai dans combien de temps?"

Celle du docteur se voulait rassurante à travers le masque, mais trahissait la fatigue d'une phrase trop souvent repétée.

"On aura les résultats du sérum sanguin dans trois minutes, mais même s'ils sont positifs on ne pourraient confirmer la présence du virus qu'après un examen approfondi. Il ne sert à rien de s'inquiéter trop tôt."

Assis sur le rebord d'un lit d'hopital, l'ex lieutenant de police de Leiman Island regarda droit devant, le regard sans vie, opinant du chef machinalement. On pouvait entendre le ronronnement mecanique de la centrifugeuse, pourtant faible, dans le silence pesant de la pièce. La montagne de muscle qu'il était paraissait complètement anéantie. Le médecin sortit un stéthoscope qu'il passa sous son bonnet et mit dans ses oreilles, et installa sur Dan le brassard gonflable pour lui prendre sa tension. Il y eu plusieurs petit bruits pneumatiques.

"Où sont les autres?"

Le médecin leva une main pour l'interrompre, gonfla le brassard deux fois, regarda le manomètre, puis laissa la pression redescendre. Il attendit d'inscrire un petit chiffre sur une fiche avant de répondre et d'enlever le brassard.

"Isolés comme vous en observation."

Il glissa alors son instrument sous la tunique d'hôpital de son patient, regardant sa montre, déplaçant la tête du stéthoscope de temps en temps.

"Mais c'est un miracle que vous soyez arrivé ici vivant."

Dan continua de regarder droit devant, clairement déconnecté.

"C'est pas le cas de tout le monde."

L'homme en blouse blanche ne chercha pas à continuer la conversation plus loin, le laissant ressasser en silence les images qu'il voyait toujours, même en fermant les yeux. Dan se mit à penser que peut-être en parlant elles finiraient par disparaitre...

"Un mois de blackout, quand plus rien de fonctionne, quand on à aucun moyen de savoir ce qu'il se passe, ni même si des secours sont en marche, c'est déjà l'enfer... Mais en plus avec eux qui rodent à tous les coins de rue..."

Il agita sa tête de gauche à droite, deux yeux bleus agars. Le docteur ne le regardait toujours pas, procédant d'inscrire encore quelques chiffres sur sa fiche.

"A partir de quel moment vous avez su qu'il y avait un camp de réfugié sur Yull?"

Il y eu une bonne dizaine de secondes avant que ses paupières ne se ferment à demi lorsqu'il enregistra la question.

"Les dernières infos qu'on ait eu à la télé c'était qu'on ne devait plus boire l'eau courante. Une histoire de variante du choléra ou chais plus trop quoi. C'que j'me souviens c'est que j'étais en jour de repos, et que le central m'avait rappelé en service, on avait les 3/4 de nos agents en arrêt maladie. J'étais en patrouille du coté du Dave's Market quand tout a pété. Je crois une heure ou deux après le couché du soleil. Les gens étaient devenus tarés. Soudain tous les fiévreux qui faisaient leurs courses enroulés dans leur couverture, avec la tremblote et la morve au nez arrêtaient pas d'gueuler, alors moi forcément, comme toujours quand on est en service, j'ai essayer de les faire garder leur calme. Et puis ils ont commencer à mordre tout ce qui bougeaient. Et là j'ai compris qu'il fallait que je décampe. L'instinct du flic qui vous dit quand dégager, ça trompe pas. J'ai su plus tard que tous mes collègues qui ont commis l'erreur de sortir leur arme de service pour reprendre le contrôle se sont fait bouffer. Moi j'ai filé dans ma caisse pour retrouver Gloria et nous barrer loin d'ici. Mais j'l'ai jamais retrouvée. Gloria."

Dan s'arrêta dans son récit à l'évocation de sa petite amie. Le médecin, lui, s'arrêta dans son osculation, et pour la première fois regarda vraiment son patient. Il n'avait pas eu sa réponse mais il s'en moquait un peu.

"C'est pour elle que vous êtes resté?"

L'ex flic retrouva un instant l'expression décidée d'un homme en mission. Il hocha la tête, puis se perdit à nouveau dans le vague.

"Au bout de deux jours on avait ni télé, ni radio, et certains quartiers n'avaient même plus d'électricité. Personne ne s'attendait à un chaos pareil aussi vite. Y avait des vitres cassées partout, des carcasses de voitures dans tous les sens, des bruits d'alarmes en permanence et des fois, de temps en temps, on entendait encore des cris, au loin.Y avait des corps déchiquetés dans les rues qui pourrissaient sur l'asphalte. D'autres plus complets qui bougeaient encore. J'ai vu la tête sans corps d'une clocharde tenter encore de se déplacer avec les bouts de lèvres qui lui restait...

Un truc qui était vite clair, c'est que tout ce qui était encore relié à un cerveau à peu près intact pouvait encore bouger. Et qu'ils avaient tout le temps faim. Si y avait du sang chaud, homme, rat ou chien, ca le béquetait... i béquetaient tout le temps. Y avait que ca, partout, des zombies qui voulaient vous bouffer. Vous bouffer, tout le temps. Votre voisin, votre collègue, la vieille dans face, vos amis... vous bouffer...

C'est pas facile devoir vider son chargeur sur une femme enceinte, même quand il lui manque un bras et qu'elle vous sprint dessus les crocs devant."

Le médecin regardait Dan avec un air mêlé d'empathie pour les horreurs vécues et l'inquiétude pour la santé mentale de l'homme en face de lui.

Il y eu une petite sonnerie électronique qui indiqua l'arrêt de la centrifugeuse. Il sortit le tube et se mit à pratiquer les premiers tests, regardant parfois Dan du coin de l'oeil à mesure qu'il continuait son récit.

"C'était pas l'odeur ni la vision qui les attiraient vraiment. C'était les bruits. Si vous tiriez une balle sur l'un de ces zombies, vous en rameniez une douzaine. Alors le premier reflex est de se terrer. Mais bon fallait aussi bouffer, et surtout récuperer le maximum de bouteille de flotte.

C'est comme ça que j'ai rencontré Audrey. Je suis tombé sur elle après une semaine quand je tentais de trouver une entrée dans une superette. Elle aussi elle était restée derrière, elle cherchait sa copine. Elle m'a dit qu'elle était tombé sur un gamin accompagné par un toubib de l'hôpital St Andrews. Je me suis dit que c'était plutôt un bon plan de les rejoindre."

Le docteur finit de compter les 5 gouttes qui tombèrent dans le tube depuis sa pipette.

"St Andrews? C'est l'hoptial de Medicare en plein Leiman Island, non? "

Dan opina lentement du chef.

"Comme St-Andrews était sur le programme Medicare, tous ceux qui ne pouvaient pas s'offrir de soins allaient là bas. Même nous la police, on envoyait toujours par défaut les blessés sur cet hôpital. Le toubib nous a raconté qu'il était plein à craquer d'infectés quand ça a éclaté. Tout le monde s'est fait bouffer en moins d'une heure, un vrai carnage. Pire qu'ailleurs. Y a eu qu'une seule ambulance qui a eu le temps de se faire la malle.
Lui est pas monté dedans, il disait que c'était une connerie de partir par la route. Je sais pas comment il a fait pour s'en sortir sans se faire mordre, en tout cas il est resté sur Leiman Island pour essayer de trouver d'autres survivants. Il s'appelait le Dr. Mars Landera. Un nom qui sonne bizarre, comme si c'etait l'anagramme de quelquechose. Pas un nom facile à oublier."

Le médecin semblait maintenant complètement absorbé dans la phase du test, prenant le plus grand soin à verser la dose exacte d'un certain liquide dans le tube. Il murmura d'une voix absente.

"Avec le prénom du dieu de la Guerre il aurait du faire une carrière militaire."

"Il aurait été doué. Il pensait comme eux, et quand il fallait passer une zone dangereuse, il se déplaçait encore mieux que moi, façon commando d'élite. C'était pas non plus un manche quand il fallait manier le glock.
Il pensait comme moi que prendre la route attirerait les zombies, et ces saloperies courent vite. Il nous a dit qu'il avait vérifié les docks, et que tous les bateaux avait déjà été pris, que ce qu'il y avait de plus probable était que le gouvernement ou l'armée ait mis en place un camp de réfugié bien au large. Son plan était d'aller jusqu'à l'aéroport, et de prende un hélico au mieux, un avion au pire.
Après 5 ou 6 jours en chemin on a pu voir les prospectus lâchés par l'armée, quelques affiches et des tags qui informaient qu'il y avait un camp de refugiés à Yull, donc bien au large, comme prévu. A partir de ce moment là on savait que Mars avait eu les bonnes idées depuis le début, et qu'on pouvait lui faire confiance les yeux fermés."

Le médecin regarda avec attention le tube de sérum virer au vert, et émit un soupir de soulagement. Il abaissa son masque, et retira ses gants dans un claquement de latex, pour les jeter dans une poubelle marquée d'un signe de bio-radioactivité.

"Le test serum est négatif. Vous êtes clean, on peut arrêter les tests là."

Dan ne répondit pas, mais se passa les mains sur le visage, puis sur son crâne fraichement rasé.

"Je n'ai pas vu son nom dans la liste des rescapés. Qu'est ce qui est arrivé au Dr Landera?"

Les coudes sur les cuisses, assis sur le rebord du lit d'hopital, Dan inspira un grand coup les mains accrochées derrière la tête.

"On était à deux jours de l'aéroport. Audrey faisait de la fièvre, mais le Doc l'avait examinée, des infectés il en avait vu des tas, et elle avait pas les symptômes, selon lui c'était à première vue dû au stress et au rationnement d'eau. Après je sais pas ce qui lui a fait se poser la question mais il lui a demandé si elle pensait être enceinte. Et là elle l'a regardé avec des yeux plein de larmes et elle a fait oui de la tête. Il a pas bronché, mais il lui a dit que si elle voulait avoir une chance d'éviter la fausse couche il faudrait prendre un peu plus de repos dans les étapes qui restent.
Alors on a trouvé un appartement abandonné depuis des années, c'était pas l'idéal mais c'était ce qu'on avait de mieux. Après une bref inspection on s'est aperçu qu'il y avait des squatteurs, probablement infectés, au dernier étage. Mais Audrey commençait à délirer et il lui fallait vraiment du repos si on voulait avoir une chance qu'elle se sente mieux demain. Mars a décidé qu'il montrait la garde toute la nuit. Et à partir de là tout est allé de travers."

Dan agite sa tête de droite à gauche, les coudes sur les cuisses et les mains sur la nuque, arcbouté dans une position presque foetal de défaite.

"Mais j'ai pas fermé l'oeil. La fièvre faisait parler Audrey dans son sommeil, de plus en plus fort, elle racontait des trucs incompréhensibles, qu'elle savait plus si elle était vraiment gay, qu'elle avait bu et qu'elle voulait essayer avec lui, et puis elle s'est mise à chialer super fort, gueulant qu'elle voulait pas la tromper. Là Ian s'est redressé d'un coup, on s'est échangé un regard, et je savais qu'il fallait qu'on foute le camp.
Y a eu des bruits de pas super rapides qui venaient d'en haut, comme si plein de personnes dévalaient des marches. Mars a à peine eu le temps de mettre les mains sur Audrey qu'elle était déjà réveillée en sursaut en s'agrippant à lui. Ils ont commencé à se diriger vers la sortie de secours de l'appart' et l'escalier incendie. J'ai pris le gamin sur mon épaule et je les ai suivis, mais sur la dernière marche je me suis vautré, et sous mon poids le gamin s'est pété la jambe. Forcément qu'il s'est mis à crier, c'était un gamin et je venais de lui faire super mal. Mais on était dehors et on savait que tous les cadavres alentours pouvaient l'entendre et allaient nous courir dessus. Il fallait bouger vite et loin.
Là Mars s'est tapé un sprint vers une caisse sur le trottoir d'en face, à pété la vitre, ouvert la porte, nous a fait monté dedans et 30 secondes après, quand le premier cadavre avait atteint sa fenêtre explosée, il faisait démarrer la bagnole. Je crois que j'ai jamais foncé aussi vite avec une caisse, et pourtant je suis flic. Je sais pas par quel miracle on a réussi à arriver jusqu'à l'autoroute, et je sais pas non plus comment on a fait pour éviter toutes les caisses et leurs cadavres qui étaient à l'arrêt dessus, mais on est bel est bien arrivé sur le tarmac de l'aéroport. Et vu le boucan avec lequel on s'était pointé, on avait un commité d'accueil. Tous les passagers, stewarts, hotesses, pilotes, baggagistes de l'aéroport qui deboulaient. On a pu trouver un Cessna sur le taxi, mais la piste allait bientot etre noire de zombie.
Là Mars m'a demandé si je savais piloter. Je lui ai dit que je ca faisait 5 ans que j'avais pas touché à un Cessna et que j'avais jamais vraiment passé mon permis, mais que je pourrais nous conduire à Yull. Alors il m'a regardé, il nous a sourit, à tous, il a dégainé le plus gros flingue que j'ai jamais vu, et il nous a dit de monter, qu'il ferait le ménage pour nous, de pas s'occuper de lui, qu'il se débrouillerait. On a fait comme on avait toujours fait depuis le début, on a suivit ce qu'il a dit."

Dan observa une pause, secouant la tête presqu'enfouie sous ses épaules massives.

"Je me suis penché par la fenêtre quand on réussit à prendre de l'altitude. Il y avait tout un tas de cadavres aux têtes explosées, et il se dirigeait à nouveau vers la voiture. C'est la dernière fois que je l'ai vu.

C'est con, c'était plutôt un bon gars."