Défenseur d'Ambre (Ian)

Je réprime un sourire alors que remonte ces souvenirs de jeunesse.

*Héh. J'avais du faire avec les moyens du bord à l'époque. Mais si Eric n'a jamais pu remonter jusqu'à moi, est-ce que Jacques, lui, s'en doute? Qu'il m'évoque ce récit ne me parait pas tout à fait fortuit.*

"Je n'y manquerai pas."

Je me lève quand il fait de même.

"Je vous remercie, Jacques. Ceci fût très agrèable, j'espère quant à moi ne pas vous avoir trop désobligé."

Si j'avais un couvre chef, je l'aurai brièvement ôté.

"Portez-vous bien."

Je me retire ainsi, puis me dirige vers ma chambre. Je demande au premier serviteur croisé à ce qu'on m'y fasse apporter de l'eau et de quoi manger en voyage.

Quand la personne qui m'apporte ce que j'ai demandé entre dans ma chambre, je me tiens debout, mains sur les hanches. Je ne perds pas de temps.

"Merci bien! Posez ça sur le secrétaire.

Dites-moi, ça fait longtemps que vous travaillez au Palais?"

Je suis d'abord un peu hésitant.

"Et bien..." Je me tourne vers le peu que je sois capable de voir, gardant le silence pendant quelques secondes. "...oui."

Je me tourne à nouveau vers Bénédict.

"Un parfait jumeau est apparu après l'épreuve de la Marelle. Flora n'est pas au courant."

Et sous entendu que j'aimerais que cela en reste ainsi.

"J'en ignore la nature exacte, mais je pencherais pour une parfaite Ombre de moi-même. As-tu déjà vu pareil chose?

En tout cas je pense avoir réalisé une sorte de pacte avec la Marelle lors de ma traversée. En échange de devenir "Son bras armé", pour utiliser ses mots, elle m'a accordé ce don d'ubiquité, pour pouvoir enfin m'affairer à quelque chose que j'ai retardé depuis trop longtemps."

Je marque à nouveau une pause, mais moins pour tergiverser que pour organiser l'information de manière la plus efficace possible, imitant mon oncle dans sa posture sur les moellons. Coude planté sur la pierre, je brosse machinalement ma joue du dos de mon pouce, regardant dans le vide, alors que je déballe des choses que j'avais en partie gardé pour moi même.

"Deïdre est toujours vivante.

Elle m'a contacté dans la galerie des miroirs, lors de ma dernière visite. Je pense que depuis l'Abysse, elle a toujours une emprise sur ses Ombres, qui semble parler à travers elle. Cela vaut aussi bien pour les Ombres d'elle-mêmes que les domaines qu'elle a jadis contrôlé. Dans l'un de ces derniers un message codé dans une prophétie me disait "Le Serpent me tient. Trouve Fiona. Deïdre".

Je n'ai plus mon jeu d'Atout -je crois que c'est mon double qui l'a-. Mais Fiona ne répond toujours pas aux contacts de toute façon. Je veux donc gagner la galerie des miroirs, trouver les grands tableaux d'Atouts qui l'ornent et contacter Fiona.

Et si Deïdre est vivante, Brand l'est aussi. Peut-être que Rinaldo a déjà trouvé un moyen de le tirer des Abysses. Peut-être est-il derrière une partie de ce qui nous arrive."

Je pivote mon torse vers Bénédict, le visage résolu, inébranlable.

"Et si le bubon humain qui a jeté ma mère au Serpent est revenu à la vie, ma mère le sera aussi."

Tu te contentes donc de garder ton regard sur Bénédict, utilisant son corps comme un phare pour te déplacer dans la galerie sans te perdre dans des souvenirs ou des réflexions.

Lorsqu'il s'arrête, tu en fais autant, sans lui rentrer dedans, tes talents de combat te permettant d'anticiper bien des choses.

Levant les yeux, tu le vois faire face à une peinture en taille réelle, révélant Fiona des pieds à la tête discutant avec un crâne sur fond de Marelle.

Il pose sa paume à plat sur la toile, se concentrant un instant, avant de réouvrir les yeux. Il te semble voir le tableau frémir et, quelques secondes plus tard, Fiona en sort, usant de la main de Bénédict pour traverser.

Elle effectue un petit saut pour rejoindre le sol, un petit sourire aux lèvres. Elle porte une robe ample pourpre, ceintrée à la hanche, plus pratique pour le voyage en Ombre. Elle ôte une brindille de bois glissée dans ses cheveux et la laisse choir sur le sol.

"En effet..." dit-elle comme pour clore une discussion mentale passée avec Bénédict.

"La galerie des miroirs permet de passer outre bien des barrières, mais il faut en user avec parcimonie, cher neveu."

Elle attend un moment, avant d'ouvrir les bras dans un geste accueillant et une moue rieuse.

"Et bien, tu n'embrasses pas ta tante après avoir tant insisté pour la voir ?"

Une première rencontre entre tante et neveu, dans un endroit spécial d'une manière forcée. Ce n'est pas commun.

A la limite de ta conscience et de ta vision, tu perçois des mouvements dans les miroirs. Des marionnettes mimant l'arrivée d'un Ian dans les bras d'une Fiona, qui lui arrache l'oreille tout en lui plantant un couteau dans le dos. Réjouissant.