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La reine des glaces II

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Message  Darla Lun 5 Juil - 17:43

Je hochais la tête, gravement. En effet, les parents allaient sans doute vouloir retrouver leurs enfants, et allaient venir les réclamer. Je ne fus pas surpris, dans les heures qui suivirent, de voir apparaître, devant Véra concentrée, une centaine d’hommes en armes, tous semblables, armés d'arcs et d’épées. Elle leur parla longuement, expliquant bien qu’ils ne devaient pas verser le sang, mais seulement intimider les gens qui approcheraient. Puis elle fit apparaitre une muraille, et une porte de fer.

Ces gens ne mirent pas longtemps à arriver. Alors que le soleil atteignait le zénith, une troupe de femmes, qui n’avait sans doute pas voulu attendre que la reine prenne une décision, vint, en colère, assiéger le donjon. Mais que pouvaient-elles faire devant cette forteresse inexpugnable ? Aucune colère, si juste soit-elle, ne pouvait venir à bout de la grande porte d’acier, ni des hauts murs escarpés. Alors bientôt ce furent des larmes et des gémissements, des cris de désespoir et de souffrance.

Véra, à ce moment, sortit sur le balcon supérieur de l’auberge, moi à ses côtés. Elle leva les mains pour les apaiser et aussitôt le silence se fit.

- Mères attentionnées, vous venez ici pleines de souffrance et de colère pour retrouver vos enfants. Je comprends votre colère et votre désespoir, mais vous ne devez pas laisser ces sentiments néfastes vous submerger. Vos enfants vont bien, ils m’ont rejoint car les premiers ils ont compris que le nouveau cycle est proche. Vous ne devez rien craindre pour eux, ils vont bien et sont en bonne santé. Ils profitent avant vous des merveilles du printemps…

- Prouvez-le nous ! s’exclama une femme en pleurs.

Véra, loin de se sentir offensée par ce manque de confiance, sourit et fit signe à un homme de sa nouvelle armée d’ouvrir les portes. Les femmes, décontenancées, entrèrent cependant à l’invitation de Véra.

Nous descendîmes tous deux dans le hall, où les femmes, massées en groupe et inquiétées par la présence des hommes armés, n’avaient guère avancé.

- Si vous voulez voir vos enfants, il va vous falloir d’abord profiter du banquet…

Alors qu’elle disait cela apparut une nouvelle fois les tables et les confiseries. Les femmes, surprises et émerveillées, hésitèrent. Mais devant le sourire bienveillant de leur hôtesse, elles se décidèrent peu à peu à venir se régaler de cette nourriture nouvelle et appétissante. Les pauvres avaient le visage, pour la plupart, émacié, et elles avaient des difficultés à rester digne devant ce trésor pour leurs ventres affamés. Puis, comme leurs enfants quelques heures avant, alors qu’elles entamaient les première bouchées, elles se détendirent, souriant et discutant, semblant oublier le motif de leur présence. Puis peu à peu leurs bavardages s’étiolèrent, s’éteignant tout comme la flamme de leurs regards alors qu’elles s’endormaient là où elles s’étaient assisses.

Cette fois, je questionnai Vera.

« Mais où sont donc les enfants et leurs mères ?

- Ils dorment plus profondément et sereinement qu’ils ne l’ont jamais rêvé. Les brioches étaient droguées, un puissant narcotique de ma confection.

- Se réveilleront-ils un jour ? Voilà déjà de très nombreuses heures que les enfants dorment, pas un semble ne vouloir se réveiller…

- Ce qui déclenche le réveil est l’odeur de bois de santal brûlé. Nous nous occuperons d’eux tant que la reine ne cédera pas. Mais il lui faudra, à un moment ou à un autre, accepter de me rencontrer. Son peuple la forcera au duel que j’escompte.

- Au… duel ?

Elle sourit de ma mine inquiète.

- Duel que je gagnerai, bien sûr. En attendant, il nous faut nous préparer. La reine enverra son armée récupérer les femmes et les enfants. Mais quand ?

Elle eût la réponse le lendemain, à l’aube.

Une armée de plusieurs de milliers d’hommes arrivèrent en bas de la tour. Je tremblais pour Véra. Comment ferait-elle face à tant d’ennemis ? Ses murs tiendraient-ils face à tant de pierres, à tant de coups, à tant de haine ? Et que feraient-ils d’elle une fois qu’elle serait à leur merci ? Mais elle, contrairement à moi, semblait sereine et se moquait gentiment de mon anxiété. Alors que les premiers rayons du soleil faisaient miroiter sa brune chevelure, elle souriait, confiante.

Bientôt, avant que les hommes n’arrivent, Véra fit apparaitre une dizaine de jeunes femmes aux oreilles pointues, au regard espiègle. Elles avaient la grâce des flocons de neige tourbillonnant dans l’absence de vent. Elles saisirent les paniers qui étaient apparus à leurs pieds puis, sur un ordre de Véra sortirent et parsemèrent la terre de fleurs jaunes, roses, rouges, blanches dont les pétales s’ouvrirent, rendant hommage au soleil apparaissant. Puis les femmes virent naitre des arcades auquel le lierre vint s’accrocher, et des oiseaux se mirent à virevolter dans l’air blanc. Si leur espérance de vie était courte dans ce froid glacial, Véra espéra qu’elle serait assez longue pour berner les soldats, et c’est un jardin de printemps qui accueillit l’armée ennemie qui n’osa y pénétrer, s’arrêtant à sa lisière d’où ils pouvaient percevoir la douce musique que les dames des fleurs composaient sur les instruments apparus entre leurs mains.

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Je devinais leur inquiétude face à cette beauté inconnue et colorée. Après un assez long moment de flottement, deux hommes, vêtus de peaux d’ours, s’avancèrent devant la troupe, à distance respectable cependant des fleurs. Véra, qui attendait ce moment depuis le début, les laissa s’exprimer en premier.

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- Véra, cria l’un d’eux. Vous êtes sans nul doute une sorcière puissante, mais nul ici ne croit à ce que vous dîtes. Ce royaume est celui de l’hiver, et il le restera toujours. Rendez nous les femmes et les enfants de la ville et nous vous laisserons repartir sans vous faire de mal.

Malgré elle, Véra se mit à rire.

- Je crains que vous ne soyez pas en mesure de me menacer.

Malgré sa silhouette fluette sa voix portait très loin et j’étais sûr que tous les hommes l’entendaient.

- Tout d’abord, je ne suis pas une sorcière. Je suis envoyée par la déesse du printemps pour prévenir du nouveau cycle qui débute. Cela est inéluctable, que vous le vouliez ou non. Je ne suis pas venue en ennemie, mais en amie, pour vous préparer à ce changement. Votre reine, j’en suis sûre, le sais, mais elle refuse d’abandonner ses privilèges.

Elle s’adressa alors aux hommes en arme.

- Voyez le tapis de fleurs qui s’étend devant vous. C’est le printemps qui commence ! Vos femmes et vos enfants sont déjà parmi les fleurs et les arbres verts, ils profitent d’un pain riche et d’une chaleur nouvelle. Si vous me tuez, ou me forcez à partir, jamais ils ne reviendront, car ce monde d’hiver ne leur sera plus accessible. Je n’y puis hélas rien, c’est l’équilibre du monde qui agit ainsi. Forcez plutôt votre reine à venir me parler, car seul son renoncement à ses pouvoirs permettra au printemps de revenir, ramenant avec lui vos chères familles.

Aussitôt les hommes en armes perdirent contenance. Ils discutèrent entre eux et il était facile de deviner quel était le sujet de leurs discussions. Bientôt, la plupart firent demi-tour, emmenant sans doute avec eux des frères, des amis. Les deux chefs présents avaient beau vitupérer, rien n’y fit. Il y eut un remous, un homme qui répondit aux menaces, et son harangue fut suivit d’un hourra sonore. L’armée entière n’avait d’autre choix que de faire demi-tour, la plupart des hommes refusant de combattre et de risquer de perdre pour toujours leurs familles.

Il était étonnant de voir une armée si bien ordonnée retourner en arrière sans faire la guerre, sans verser une goutte de sang. Le plan de Véra marchait à la perfection. Elle se retourna vers moi, rayonnante.

- Cela a marché ! Je vais rencontrer la reine sans qu’aucune goutte de sang n’ait coulé !

Le soir même, nous fîmes la fête. Sans doute la solitude pesait-elle à ma maitresse, et j’étais la seule compagnie agréable présente. Les joues rosies par le vin, elle fit réveiller, à ma demande, les femmes et les enfants qui purent se régaler des mets divins. Les femmes s’étaient coiffées des fleurs de la serreet avaient abandonné leurs lourds manteaux. La drogue contenue dans la nourriture leur faisait oublier tout ce qui n’était pas du moment présent et les réjouissances furent sans doute les plus joyeuses qu’on eût pu voir dans tout le royaume depuis fort longtemps. Puis, se sentant fatiguée par tant de rires et de chansons, Véra les drogua de nouveau, avant d’aller se coucher. Comme toujours, je m’apprêtais à dormir devant sa porte de sa chambre, quand cette dernière s’ouvrit. Elle était là, devant moi, ses longs cheveux détachés tombant jusqu’à ses reins. Sa longue chemise de nuit diaphane ne cachait rien de ses formes ni de ses ombres et je baissais les yeux, pudique.

Elle posa sa main sur mon épaule. Je sentais son parfum de rose et la chaleur de son corps.

« J’ai besoin de compagnie, ce soir.

- Bien, maîtresse.

Elle sourit tandis que, gêné et attiré, je ne faisais pas un geste.

- Cette nuit, appelle-moi Polgara, mon ami.

Elle s’approcha un peu plus de moi et posa ses lèvres sur les miennes. Je savais au fond de moi que je n’étais qu’un amusement pour elle, tandis que de mon côté l’émotion et l’amour me submergeait. Comment refuser quand j’étais tenu d’obéir et que tout mon être appelait à cette étreinte ?

Cette nuit-là, je ne gardais pas sa porte et, à ma grande surprise, les autres nuits qui suivirent non plus.

« J’aime ta sollicitude », me disait-elle. Mais elle m’avait créé ainsi, je n’y pouvais rien. « J’aime la manière que tu as de veiller sur moi », disait-elle encore dans le creux de mon épaule. Cela aussi, elle se le devait. « J’aime tes mains », murmurait-elle. Mais ces mains aussi, elle les avait modelées. Alors je compris sa solitude, et son besoin de se sentir aimée et protégée. Dans la solitude de la tour et l’attente d’un moment difficile, elle se laissait aller à la tendresse, et se croyait amoureuse de sa propre création. Un jour, bien sûr, elle ne pourrait plus se laisser aller. Quand elle aurait vaincu la reine, elle partirait sans doute, me disait-elle, et elle me laisserait seul ici. J’avais beau n’être qu’une création, mon cœur saignait à cette idée.

Ces jours heureux passèrent trop vite. Un matin, la reine vint, sur son traîneau, escortée d’hommes en armes. Un délégué fut envoyé pour définir les termes du duel. Pressentant ma trop grande inquiétude, Véra m’ordonna de rester dans l’auberge avec les dames des fleurs tandis que les cents hommes en armes sortaient avec elle pour inciter l’escorte de la reine à se tenir à sa place durant le duel.

Je la laissais partir le cœur bien lourd. Alors qu’elle descendait les longs escaliers, je montais, moi, au balcon, d’où je pourrais tout voir. Mais, en vérité, cela se passa très vite. Véra ne voulait prendre aucun risque, car elle avait compris, lors des passages précédents qu’elle m’avait contés, que la reine ne serait ouverte à aucune discussion, à aucune alliance. En outre, elle la redoutait. Aussi un mot, un seul, fut prononcé par Véra et la reine tomba dans la neige, déjà morte.

Cette mort fulgurante impressionna beaucoup les témoins et les dissuada sans doute de vouloir contester sa victoire. Le récit de ce duel, comparable à une exécution, ferait sans aucun doute forte impression auprès du peuple et des courtisans, et les conforterait dans l’illusion que Véra avait voulu donner : elle était la représentante de la déesse du Printemps sur terre.

Est-il nécessaire de préciser que l’arrivée en ville de Véra, suivie des enfants et des femmes à qui la mémoire était revenue, fut triomphale ? Elle accéda au trône devant les courtisans inclinés bien bas. Son plan s’était déroulé à merveille. Elle avait conquis le trône au prix d’un seul sacrifice, et déjà les gens de la capitale lui étaient conquis. Elle avait su, en très peu de temps, inspirer crainte et amour à son nouveau peuple. Tout s’était déroulé au-delà de ses espérances.

Pourtant je sus lire, moi, dans son regard, le doute. Une fraction de seconde je compris que sa solitude n’avait jamais été plus complète. Elle avait eu ce qu’elle voulait, mais, visiblement, ignorait ce qu’elle allait en faire. Heureusement, nul ne vit cette incertitude, cette angoisse. Moi seul, sa création, son esclave, son amant, la vit et la comprit. Je lui renvoyai un regard assuré, encourageant, et aussitôt elle reprit son port de reine et son sourire chaleureux. Tout était à faire, bien sûr, mais le plus dur était déjà accompli, et c’était le principal.

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