Préface - Darla Omega
Préface - Darla Omega
Cachée, prostrée, terrifiée.
Tels sont les trois adjectifs qui me définissent en cet après-midi d’été. En dehors de la grotte où je me suis terrée, je sais que la nature est en paix : le soleil vert rayonne avec ardeur, la sève des arbres dévale des feuilles aux racines avec fougue, les écureuils – j’en ai croisé un dans ma course, il a failli me faire trébucher – font leur réserve avec entrain. Tout dans la nature est mouvement serein, calme empressement. Sauf moi, cachée dans une grotte sous un arbre, à l’abri du soleil. Exclue volontaire de ce qui a toujours fait mon bonheur.
Parce que, quelque part au nord, on me cherche, on me traque. Comme toujours ce sont les hommes qui font de moi une bannie, une exclue.
Oh je n’ai pas peur d’eux. Je pourrais les assommer, les tuer même, d’un simple coup de poing ou de pied ! Quand j’ai guerroyé pour eux, je n’avais pas de scrupule ! Mais ceux que j’avais en face étaient des ennemis. Il est facile d’éviter de croiser le regard d’un inconnu. D’oublier de se dire que lui a aussi à une vie, une famille, des gens qui le pleureront. Facile… Non. Mais plus facile en tout cas que lorsqu’il s’agit d’amis, de personnes que je pleurerais s’ils tombaient au combat… Il est impossible d’oublier qu’il s’agit d’un être qu’on aime au moment de frapper, et cela retient mon geste.
Me voilà donc réduite à fuir, à me terrer, comme une proie. J’aurais pu faire glisser les ombres à mon passage, faire en sorte de les semer définitivement. Mais j’ai vécu trop longtemps dans cette ombre. Je n’ai pas envie de la quitter. Pas envie d’abandonner ce qui fit mon bonheur – mon seul bonheur plein, complet en 450 ans d’existence. Pour la première fois de ma vie je me suis sentie acceptée, aimée.
Puis rejetée, haïe.
Il pleut ? Je touche mes joues, elles sont mouillées. Il ne pleut pas, idiote ! Ou alors ce sont mes yeux qui pleuvent… Je n’ai pas pleuré depuis si longtemps. La dernière fois était à la mort de Saul.
Saul…
Et tant d’autres.
La première génération qui m’accueillit ici. Je me souviens…
Je me souviens de mon arrivée ici. J’avais vécu dans des villes, dans des châteaux. J’avais fui ma mère et celui que j’avais pensé être un ami. J’avais fui ma honte et mon amertume. Comme je cherchais ce matin une grotte où me terrer, où m’exiler, je cherchais une ombre où m’enfouir, où on m’oublierait. Je ne pensais pas trouver, après une décennie de recherches et d’escales plus ou moins prolongées, ce paradis personnel.
Quand je découvris, au détour d’un chemin, ce soleil d’un vert pâle, cette herbe jaune grasse et dansante, quand j’entendis battre le cœur de la terre – battements qui allaient rythmer ma vie et mes pensées pendant plus de vingt-cinq ans ombriens, je sus, comme un coup de cœur, comme une certitude enfouie et – enfin ! – mise à jour qu’ici devaient s’arrêter mes pas. Ici je trouverais de nouvelles racines, ici je pourrais de nouveau étendre mes feuilles.
Et même tapie dans ce repli que la terre et les probabilités ont créé pour moi je ne regrette rien. Rien sinon que le cœur de l’homme soit si cruel…
Tels sont les trois adjectifs qui me définissent en cet après-midi d’été. En dehors de la grotte où je me suis terrée, je sais que la nature est en paix : le soleil vert rayonne avec ardeur, la sève des arbres dévale des feuilles aux racines avec fougue, les écureuils – j’en ai croisé un dans ma course, il a failli me faire trébucher – font leur réserve avec entrain. Tout dans la nature est mouvement serein, calme empressement. Sauf moi, cachée dans une grotte sous un arbre, à l’abri du soleil. Exclue volontaire de ce qui a toujours fait mon bonheur.
Parce que, quelque part au nord, on me cherche, on me traque. Comme toujours ce sont les hommes qui font de moi une bannie, une exclue.
Oh je n’ai pas peur d’eux. Je pourrais les assommer, les tuer même, d’un simple coup de poing ou de pied ! Quand j’ai guerroyé pour eux, je n’avais pas de scrupule ! Mais ceux que j’avais en face étaient des ennemis. Il est facile d’éviter de croiser le regard d’un inconnu. D’oublier de se dire que lui a aussi à une vie, une famille, des gens qui le pleureront. Facile… Non. Mais plus facile en tout cas que lorsqu’il s’agit d’amis, de personnes que je pleurerais s’ils tombaient au combat… Il est impossible d’oublier qu’il s’agit d’un être qu’on aime au moment de frapper, et cela retient mon geste.
Me voilà donc réduite à fuir, à me terrer, comme une proie. J’aurais pu faire glisser les ombres à mon passage, faire en sorte de les semer définitivement. Mais j’ai vécu trop longtemps dans cette ombre. Je n’ai pas envie de la quitter. Pas envie d’abandonner ce qui fit mon bonheur – mon seul bonheur plein, complet en 450 ans d’existence. Pour la première fois de ma vie je me suis sentie acceptée, aimée.
Puis rejetée, haïe.
Il pleut ? Je touche mes joues, elles sont mouillées. Il ne pleut pas, idiote ! Ou alors ce sont mes yeux qui pleuvent… Je n’ai pas pleuré depuis si longtemps. La dernière fois était à la mort de Saul.
Saul…
Et tant d’autres.
La première génération qui m’accueillit ici. Je me souviens…
Je me souviens de mon arrivée ici. J’avais vécu dans des villes, dans des châteaux. J’avais fui ma mère et celui que j’avais pensé être un ami. J’avais fui ma honte et mon amertume. Comme je cherchais ce matin une grotte où me terrer, où m’exiler, je cherchais une ombre où m’enfouir, où on m’oublierait. Je ne pensais pas trouver, après une décennie de recherches et d’escales plus ou moins prolongées, ce paradis personnel.
Quand je découvris, au détour d’un chemin, ce soleil d’un vert pâle, cette herbe jaune grasse et dansante, quand j’entendis battre le cœur de la terre – battements qui allaient rythmer ma vie et mes pensées pendant plus de vingt-cinq ans ombriens, je sus, comme un coup de cœur, comme une certitude enfouie et – enfin ! – mise à jour qu’ici devaient s’arrêter mes pas. Ici je trouverais de nouvelles racines, ici je pourrais de nouveau étendre mes feuilles.
Et même tapie dans ce repli que la terre et les probabilités ont créé pour moi je ne regrette rien. Rien sinon que le cœur de l’homme soit si cruel…
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