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II. Semblable, ou presque... Partie 1

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II. Semblable, ou presque... Partie 1 Empty II. Semblable, ou presque... Partie 1

Message  Darla Mar 15 Sep - 23:21

De ce qui se passa au conseil, je n’en ai aucun souvenir, même si les récits qu’on m’en fit, bien plus tard, me donnent quelques idées du degré d’exploration mentale qu’on me fit subir. J’ignorais encore qu’ils étaient des ombriens aussi particuliers, me pensais en sécurité de part mes origines supérieures et ne m’inquiétais guère de me réveiller le lendemain sans aucun souvenir de la nuit. Pourtant, si dès le début j’avais su quels soupçons étaient nés lors de ce conseil, j’aurais peut-être agi avec plus de discrétion, et aurais évité le malheur de bien des personnes – dont le mien.

Mais comment aurais-je deviné quoique ce soit alors que je me réveillais sur une botte de foin, le soleil dans les yeux ? Pendant un instant je crus m’éveiller de la sieste de la veille, mais la couleur du ciel était trop différente, bien plus pâle – un ciel d’aube, et non de crépuscule. Je crus donc dans un premier temps qu’on ne m’avait pas sortie du sommeil depuis mon premier endormissement et que le passage du conseil me serait réservé le soir seulement.

Pas très loin de moi, j’entendis des cris d’enfants et des rires de femmes. Me relevant, je découvrais pour paysage des champs à perte de vue et, derrière mon dos, les murs d’une grande ferme. C’était de l’intérieur que me parvenaient ces bruits, et des odeurs de lait chaud. Il semblait que ce soit là un village bien prospère, pour que les matins y soient si joyeux…

Je ne me souviens pas sans souffrance de ces premiers temps passés à la ferme. Les jours s’y passèrent, heureux et sereins. On eut vite fait de me trouver une tenue plus adéquate, et je fus si bien intégrée à la vie de la ferme qu’il ne semblait pas que je fusse étrangère. J’arrivais au moment des moissons, il y avait donc beaucoup à faire et je sus trouver naturellement ma place grâce à ma force hors du commun que je ne pris pas la peine de cacher. Quelles que fussent mes activités, j’étais toujours en binôme avec Elia, la fiancée de Saul que je ne voyais guère alors. Il passait son temps dans son observatoire, et peu en parlaient hors Elia qui soupirait après lui… Je me rappelle encore son visage rond, ses tresses blondes, ses yeux sombres et pétillants. Elle se plaignait de la longueur des fiançailles, et m’embrassait amicalement sur la bouche pour me souhaiter de beaux rêves. Elle mettait sous ses jupons et dans son corset des pétales de roses cueillies à l’aube, et encore maintenant je ne peux sentir ce doux parfum sans me rappeler ce visage de celle qui fut mon amie, dont je fus la confidente.

Le soir, dans la chambre, c’était des murmures sans fin au sujet des uns et des autres, du paternel, des autres filles, de Saul. Elle me confiait ses émois de jeune fiancée – le premier baiser, les premières caresses – mais à cela je ne savais que répondre. Je me rendis alors compte à quel point ma vie était dénué de tendresse, et surtout à quel point j’avais refusé aux hommes l’accès de mon cœur et de mon corps. Le seul pour lequel j’avais été prête, pendant un temps, à renoncer à ma liberté farouche m’avait repoussée… et il me semblait que plus jamais je ne pourrais ressentir cette envie. Comment les hommes pourraient-ils être pour moi autre chose qu’une cible potentielle pour ma mère ? Comment est-ce que je pourrais accepter les caresses des hommes sans avoir l’impression qu’ils préfèreraient avoir Grice, s’ils la connaissaient ? Je ressentais une telle haine envers tout cela, considérant caresses, soupirs et tendresse comme des mensonges pervertis… Pourtant, dans le silence chaleureux de la chambre, bercée par les petits rires et les rougeurs cachées d’Elia, j’avais l’impression qu’il pouvait être doux d’aimer et d’être aimé, de laisser parler son corps et son cœur… et parfois j’avais envie de pleurer un peu sur tout ce que je n’avais pas envie de connaître.

Des semaines passèrent ainsi. On ne me parlait plus du conseil, et je n’y songeais plus.

Le soir, tout le monde se couchait tôt, moi y compris. Peu habituée à la dure vie de paysan, je m’écroulais le soir, morte de fatigue. Mais peu à peu je m’habituais à ce rythme et très vite j’eus envie de veiller bien après que le paternel ait éteint la dernière chandelle. Je décidais, après que les trois lunes aient fini leur cycle, de mettre à profit mon endurance à la fatigue pour visiter les environs. La forêt pourpre, en particulier, qui cerclait le village hors du côté où la rivière passait, m’attirait et semblait m’appeler.

Le soir où je décidais de mettre mon projet à exécution, j’eus la surprise de trouver la porte fermée. Je n’avais pas remarqué, dans la journée, qu’il y eut même une clé, mais cela n’avait guère d’importance. Je tentais d’ouvrir les volets, et me heurtait au même obstacle. Etrange… Mais il en fallait plus pour me décourager. Je montais jusque dans les combles et, ouvrant la petite lucarne, je m’y glissais avec souplesse. J’étais au second étage, mon idée serait facilement réalisable pour moi. Descendant doucement le toit de chaume, prenant mon élan, je sautais pour atterrir avec une roulade sur le sol. Ce ne fut qu’après coup que je me demandais comment remonter. Bah ! J’essaierai de sauter de la même manière…

Le village était calme et toutes les portes ou volets étaient bien fermés, comme si la nuit devait apporter avec elle son lot de monstres et de dangers… Tandis que je déambulais tranquillement dans les rues vides, m’habituant à l’obscurité, je percevais des ombres furtives, des chuchotis, des déplacements furtifs. Cela courait à côté, au dessus de moi, sans que je puisse en percevoir clairement l’origine. Je ne fus presque pas surprise de rencontrer Saul au détour d’une ruelle. Appuyé contre le mur, les bras croisés, il semblait m’attendre, Gii sur son épaule.

- Et bien, Darla, que fais-tu levée à une heure si tardive ?

N’ayant pas peur de grand-chose, et sûre de l’innocence de mes intentions, je répondis en souriant :

- Je n’étais pas fatiguée, j’avais envie de me promener.

- Et où comptais-tu te promener ?

- J’avais envie d’aller à la forêt.

Saul marqua un temps. Il semblait visiblement surpris de ma réponse.

- Dans la forêt ? Et j’imagine que rien ne t’arrêtera ?

J’explosai de rire.

- Il n’est pas vital que j’y aille, donc sans doute beaucoup de choses pourraient m’arrêter, en fait !

Il me regarda, perplexe.

- Et… ça te dérangerait que je t’accompagne ?

- Non. Mais tu n’as pas sommeil toi non plus ?

Je commençais à être surprise, avec un temps de retard, de sa présence dans cette rue, de ses questions, de ses réactions. Le tout était pour le moins insolite.

- Non ! Et j’aime bien la forêt.

Bien que lors de notre dernière rencontre il m’avait laissé penser le contraire, je ne pipais mot, et c’est ensemble que nous partîmes en direction des feuilles pourpres à l’odeur de musc et de bois de santal.


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Darla
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