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II. Semblable, ou presque... Partie 3

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II. Semblable, ou presque... Partie 3 Empty II. Semblable, ou presque... Partie 3

Message  Darla Mer 30 Sep - 12:33

Deux femmes, aux cheveux tressés, à l’expression farouche, à la peau teintée d’un vert pâle, se tenaient devant moi, maintenant leurs lames bien affutées sous ma gorge, tandis que je tenais toujours l’œuf-graine dans mes mains. Celui-ci commençait à pulser de plus en plus fort tandis qu’une troisième femme s’avançait vers moi. Elle aussi avait la peau un peu verte, mais son visage semblait plus doux, à défaut d’être plus amical. Elle tenait dans sa main droite une boîte de cristal et elle me tendit l’autre main, paume vers le ciel :

- Donne-moi cela. Ce n’est pas à celle qui a vaincu le Morphut de garder sa graine.

Je jetai un œil sur Saul et Gii mais le premier était bâillonné par des feuilles et le second n’était plus dans mon champ de vision. En moi, deux tendances se déchiraient. D’un côté, le regard mouillé du Morphut avant sa disparition poussiéreuse me poussait à le rendre. Mais d’un autre côté, avoir un moyen de pression (car visiblement elles tenaient à cet œuf) ne me dérangeait pas. En outre, il y avait aussi ce rythme régulier qui me poussait à vouloir le garder, l’idée d’une rédemption possible. Cet œuf m’était soudain devenu cher, je ne voulais plus qu’une chose, et je le voulais ardemment : le protéger.

- Ce n’est pas à vous de l’avoir ! Vous ne savez pas de qui il s’agit !

Je parlais sans trop savoir pourquoi, ignorant même qui guidait mes mots. La femme murmura un juron et fit un signe aux deux femmes armées à mes côtés. Celles-ci s’apprêtèrent à me frapper alors que l’œuf, avec une force d’inertie d’une puissance insurmontable, me fit tomber à la renverse et s’échappa de mes mains. Au dessus de moi je vis les armes s’arrêter net tandis que la graine touchait le sol. Les femmes semblaient avoir le regard fixé sur elle, je tournai la tête pour voir ce qui se passait… La graine, à quelques centimètres de mon visage, s’enfonçait dans le sol tandis que sortait une tige d’un or brillant. En quelques secondes, elle poussa d’une cinquantaine de centimètres et laissa éclater une fleur d’un pourpre velouté, aux pétales fermées, qui peu à peu vit en son sein se former une sphère translucide. Par transparence, on voyait une douce lumière pulser. La troisième femme, celle qui m’avait parlé, s’avança vers moi et m’obligea à me mettre à genou devant la fleur.

- Vois ton œuvre !

- C’est magnifique… fut tout ce que je trouvais à dire.

En guise de réponse, elle frappa l’arrière de ma tête, mais j’étais tellement subjuguée parce que je voyais que je ne réagis pas. Les pétales peu à peu s’ouvrirent laissant voir un petit être de cinq centimètres environ, à forme humaine mais tout de bois et de feuille. Il me regarda de ses grands yeux noirs et me sourit. Par réflexe je tendis la main et il grimpa dessus. Cette petite créature était un Morphut miniature, mais beau, gracieux, alerte. Il s’installa dans la paume de ma main et s’y endormit.

Sans ajouter un mot, la femme à la boîte me fit se lever et me fit encadrer par d’autres femmes armées. Plus haut dans les arbres je voyais Saul se faire balloter de branches en branches, tandis que Gii semblait avoir définitivement disparu. Il nous fallut plus d’une heure, je crois, pour arriver là où nous étions attendus. Je n’avais pas regardé le chemin qui continuait à onduler, les arbres changeant perpétuellement de forme, de couleurs, d’odeurs, trop occupée à contempler le petit être qui semblait grandir de minutes en minutes : quand nous arrivâmes, je le tenais dans mes bras, il avait la taille d’un enfant de dix ans. Je sus qu’on était arrivé à cause du brouhaha qui nous entoura soudain. Je vis deux branches saisir dans mes bras l’enfant-arbre, et bien que cela me déchira le cœur, je laissais faire : quelque chose en moi me disait que je ne pouvais lui apporter tout ce qu’il lui fallait pour sa croissance. Ce ne fut que lorsque mes bras et mon esprit furent libérés que je songeais à lever les yeux sur ce qui m’entourait. Nous étions devant un arbre ouvert dans lequel siégeait une femme rousse à la beauté difficilement descriptible. Ses longs cheveux tombaient en tresses et en feuilles jusqu’à ses reins, encadrant son visage à la beauté parfaite, au port altier. Ses yeux jaunes avaient la couleur de l’herbe d’ici, cette herbe de fin d’été, qui pour d’autres ombriens eut été la couleur de leur soleil. Sa peau semblait être faite d’écorce délicate et elle n’avait nul besoin de ne cacher aucune partie de son corps. Dans sa nudité la plus totale, elle semblait vêtue de beauté végétale et de fierté royale. Ma mère, en col roulé, aurait eut l’air plus indécente que cette femme nue sur son trône.

Saul fut posé à côté de moi ainsi que Gii, qu’on libéra d’un sac de feuilles. Aussitôt, il me parla :

- Où est le Morphut ?

Je voulais d’abord répondre à haute voix avant de me rendre compte qu’il ne me parlait pas vraiment. Pourtant, il ne me touchait pas, et son regard n’était même pas posé sur moi. Quel esprit puissant ! C’est Saul qui répondit, sur le même mode :

- Il est né.

- Qui a planté la graine ?

- Darla.

Silence.

- Quoiqu’il se passe, ne parlez pas. Je connais bien les dryades, nous avons peut-être un moyen de s’en sortir vivants…

Autour de nous, des centaines de femmes nous encerclaient. Des femmes mais pas seulement. Certaines d’entre elles me ressemblaient beaucoup : visages humains et feuilles sur les branches… Où étais-je donc ? Comment pouvait-il exister des êtres si semblables à moi ? Je sentis la panique me submerger. Jamais je n’avais rencontré un être qui me ressembla de prêt ou de loin dans ma forme chaotique, hors Zork, à sa manière. Qu’était donc ce monde ? Ma confusion grandit encore quand je vis certaines femmes prendre des formes d’arbustes vivants, et d’autres prendre des formes humaines. Etais-je arrivée dans un enfer personnel ? Où mon image serait reflétée comme à l’infini ? Puis je me raisonnai : elles n’étaient pas comme moi. Leur peau était verte, leur peau d’écorce fine, même quand elles étaient sous forme humaine. J’eus la certitude que nous étions irréductiblement différentes quand j’en vis une sortir d’un arbre sous forme d’esprit avant de prendre corps dans la matérialité de la forêt. Elles étaient une race différente, qui pouvait me ressembler de loin, mais de loin seulement. C’est alors que je compris l’effarement visible sur le visage de Saul… Il devait penser que j’étais l’une d’elle ! Une de leurs ennemies mortelles !

J’entendis la vois de Gii dans mon esprit :

- Non, nous savons que tu es différente. Mais elles le savent-elles ?

Ce fut alors qu’elle se leva. Des racines la reliaient à l’arbre, traîne végétale, et chaîne en même temps. Etrangement, j’éprouvais un élan de compassion pour elle. Sans doute était-elle heureuse ainsi : elle était reine, elle était belle, elle était dans la nature. Mais elle était prisonnière. J’avais envie de casser ces liens, et de l’emporter loin de là, dans un monde où elle pourrait évoluer à sa guise, où elle pourrait voir comment c’était ailleurs…

- Darla !

La voix de Gii me ramena à l’ordre.

- Contrôle tes pensées, s’il te plait, je n’arrive pas à écouter !

Car la femme s’était mise à parler. Je me concentrais pour l’écouter, subjuguée par sa voix automnale, par ses cheveux aux couleurs ondoyantes, par ses formes qui semblaient onduler au gré de ses émotions. Rien n’était-il fixe ici ? Moi-même devais lutter pour ne pas changer de forme – et je sentais, par le contact mental qui me reliait à lui, qu’il en était de même pour Gii. Seul Saul semblait immunisé. Cependant, elle finissait – déjà ? – son discours. Quel dommage… Elle semblait être peinée, de la rosée la couvrait, larmes de la nature. Gii répondit :

- Elle ne savait pas, elle ignore tout de ce monde, elle ignorait tout du Morphut. Mais comme vous l’avez dit, il touchait à la fin de cette vie, sa renaissance était proche. Elle n’a fait qu’accélérer le processus. Peut-on condamner le simple d’esprit ?

Je ne pus m’empêcher de grogner mentalement à cette phrase mais Gii n’en tint pas compte et continua, imperturbable :

- Je vois au contraire comme un signe de paix le fait qu’une humaine *oui, Darla, je sais* soit devenue la mère du Morphut *s’il te plait calme toi et écoute*. Un lien nouveau entre nos peuples s’est tissé au moment où il a décidé de se planter, où il a reconnu en Darla une personne de confiance. Le Morphut s’est-il déjà trompé en choisissant sa mère ? Peut-être en a-t-il assez de la guerre, peut-être souhaite-t-il la paix. Ecoutons donc son choix : il est peut-être temps que l’animosité entre nos peuples cesse !

Une vague parcourut les feuilles. Les métamorphoses de chacun semblaient s’être arrêtées entre deux formes, témoignant de leur indécision. La reine répondit :

- Nos différences sont irréductibles. Quand il nous a été donné de pouvoir prendre forme humaine, vous avez choisi d’aider les hommes, et nous les arbres. Nous nous étions séparés en se promettant d’aider les deux ennemis de toujours à vivre en harmonie. Mais les hommes, même guidés par vous, ont continué à décimer les arbres, à les abattre sans distinction, brûlant tout sur leur passage, sans espoir pour les arbres de renaître. Et tu me parles de paix ? Si Hérault n’était jamais venu parmi nous, si Hérault n’avait jamais offert à chaque être de cette forêt de pouvoir se défendre, cette forêt ne serait plus que cendres. Et tu me parles de paix ? Si jamais Hérault ne nous avait donné le moyen de nous défendre, si jamais il n’avait voulu descendre parmi nous et nous illuminer de sa puissance divine, il ne resterait rien de nous. Et tu me parles de paix ? Qui nous a attaqué les premiers ? Qui nous a forcées à nous défendre et à faire répandre sur tout le royaume des rumeurs terrifiantes pour nous protéger ?

- Mais cela fait déjà mille ans, et notre temps est venu à terme. Bientôt nos consciences se terniront, tu le sais. Si nous laissons les choses en état, bientôt cette terreur sera oubliée, et tout sera à recommencer. Faisons la paix, et les hommes deviendront nos protecteurs. Laisse le Morphut à Darla, et Darla au village. Ainsi un âge nouveau commencera entre les arbres et les hommes – et nous aurons accompli ce pour quoi Hérault nous a crée.

Je restais atterrée par les informations nouvelles que cette discussion m’apprenait. Quel étrange monde ! Et qui était Hérault ? De quelle sorte de divinité pouvait-il s’agir ? Quel Ambrien ou Chaosien pouvait être si puissant ? Quelle sorte de magie était à l’œuvre dans cette forêt ?

J’épiais Saul, curieux de sa réaction. Mais il était serein – sans doute savait-il déjà tout cela. Les autres villageois le savaient-ils aussi ?

La reine se taisait, en proie à une profonde réflexion. Tout son peuple restait étrangement fixe, comme en attente.

- Soit, finit-elle par dire. Faisons un premier test. Nous laissons le Morphut à cette criminelle. A sa mort, elle devra nous le ramener, en gage de fidélité. Si vous parvenez à le faire accepter par les villageois, si ceux-ci se montrent respectueux envers lui, si elle prend soin de lui comme la mère qu’il attend qu’elle soit, alors nous considérerons cela comme un gage de paix entre nos deux peuples. Le fait même que Darla soit acceptée dans votre village n’est-il pas un signe que les hommes changent ? Qu’une des nôtres, amnésique de son passé, fasse désormais partie du monde des hommes, est déjà annonciateur de grands changements…

Je ne pus m’empêcher d’intervenir.

- C'est-à-dire que.. euh… je ne suis pas tout à fait une Dryade.

Pour prouver mes dires, je laissais faire mon corps qui appelait douloureusement au changement. Malheureusement, il décida de me transformer en chien avant de me faire prendre une forme humaine dans laquelle je le forçais à se maintenir. Au vu des réactions de tous, je présumais qu’il s’agissait d’une mauvaise réponse. Tous avaient l’air horrifiés tandis que Saul et Gii maintenaient leurs pensées dans un silence consterné. Seule la reine me regardait avec curiosité, et peut-être un brin de convoitise.

- Quel étrange pouvoir ! Hérault avait le même…

Elle s’approcha de moi tandis qu’au fond de mon être l’instinct tirait la sonnette d’alarme. Gii intervint :

- Il ne s’agit pas de sa fille. Elle ne connait rien de sa magie.

- Alors peut-être s’agit-il d’une lointaine descendante, beaucoup plus faible ? Ou la fille d’Hérault et de Chatilla, ma mère. Ne dit-on pas qu’ils s’unirent dans leurs chairs, comme le font les hommes ? Il me faut vérifier… Si jamais elle est des nôtres, elle se souviendra…

Gii n’eut pas le temps d’intervenir qu’avec une force qui dépassait de loin la mienne et elle m’enserra de ses bras… La seule chose dont je me souvienne, encore aujourd’hui, est l’écorce de l’arbre se refermant sur nous. Je me souviens aussi d’un sentiment de chaleur, de douceur, de vertiges. Rien d’autre. Si ce n’est que je m’éveillais à l’extérieur. Le soleil promettait de se lever bientôt tandis que Gii, Saul et la reine Isménia – soudain son prénom me revint en mémoire, sans que je ne me rappelle où je l’avais entendu – se disaient adieu. Elle me regardait d’un air déçu, même si les feuilles nouvelles apparues sur ses membres frissonnaient doucement. J’allais demander ce qu’il s’était passé – et je commençais à être sérieusement agacée qu’on dupât aussi impunément ma mémoire – quand la terre se mit à trembler un peu. Encore une fois. Encore… Comme des pas réguliers et lourds – très lourds. Le Morphut ! Je me retournais, prête à combattre encore, avant de me rappeler des nouvelles circonstances. J’abaissais mes bras, tentant de me détendre. Bientôt je le vis arriver. Il était toujours aussi grand, et toujours aussi lent, mais il avait indéniablement changé. Sa métamorphose semblait s’être arrêtée entre l’arbre et l’humain, mais cette fois cela avait une grâce indéniable, et l’harmonie, la force et le calme qui se dégageaient de lui me firent penser à Zork… Douloureux souvenir, que je décidais de reléguer au tréfonds de ma mémoire. Le Morphut s’arrêta devant moi, et zézaya :

- Maman ?

Sur le coup, j’eus juste envie de l’envoyer balader. Mais une centaine de paire d’yeux était braquée sur moi…

- Oui.

Il me prit dans ses branches et me serra délicatement. Peut-être que finalement ce ne serait pas si désagréable, car déjà je sentais un amour naitre en moi, un amour protecteur, serein, légèrement inquiet pour son bonheur… un amour maternel ?
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