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II. Semblable, ou presque... Partie 2

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Message  Maitre de Jeu Jeu 24 Sep - 9:27

Il me fit passer par un raccourci, et les rues cessèrent de chuchoter. Il nous fallut peu de temps pour atteindre l’orée de la forêt. Etant donné le mystère qui l’environnait, je m’attendais presque à la trouver silencieuse, brumeuse, inquiétante. Mais ce n’était pas le cas. L’odeur d’humus était forte, chaleureuse, et mille petits bruits rassuraient l’oreille. Cette forêt n’était pas sinistre, oh non ! Elle riait de vie et de vigueur, les feuilles au-dessus de nous dansaient, celles sous nos pas chantaient. On y devinait une vie riche, harmonieuse. Les feuilles cachées sous ma chair avaient envie de frissonner à l’unisson, comme tout ici le faisait, au son sourd du battement de terre. Je me laissais enivrer par les parfums lourds qui s’attardaient sous la voute feuillue, souriant du léger tangage du corps saturé, avant que ce dernier ne s’adapte et ne me fasse retrouver ma lucidité habituelle. Jamais je n’avais pénétré un bois si dense en vie et en effluves ! Quel délice !

Pendant les premières minutes, je suivis les sentiers dessinés par l’habitude. Sûrement les villageois passaient par là pour ramasser le bois mort, et pour chasser… Peu à peu, je voyais des choses troublantes, et je me demandais si c’était l’effet du parfum – elle était peut-être hallucinogène. Les racines des arbres semblaient bouger pour s’installer plus confortablement dans la terre, les feuilles, à mon approche, prenaient une forme d’animal étrange et se mettaient à courir, les cailloux retrouvaient des pics et jouaient à être des hérissons… Tout était changement, les arbres eux-mêmes, tandis que j’avançais, semblait s’amuser à changer d’espèce et de couleur. Les sentiers s’arrêtèrent assez vite –difficile, je suppose, d’arriver à rester stable dans cette mutation perpétuelle –, et je me retrouvais à devoir marcher parmi les fougères. En moi aussi je sentais mon corps avoir envie de se transformer, de jouer, de se libérer des contraintes, et ce n’était qu’en me concentrant que je me maintenais sous ma forme humaine. Je me retournai vers Saul, surprise, pour l’interroger mais il s’était arrêté au bord du dernier sentier visible. Gii sur son épaule semblait agité, il me semblait le voir grandir et rapetisser en permanence…

- Que fais-tu ? Tu ne me suis pas ? Je croyais que tu aimais la forêt ?

- Tu es peut-être ici en terrain ami, mais pas moi, et tu le sais très bien. Je voulais savoir jusqu’où tu irais, maintenant j’ai eu ma réponse. Et…

Il allait continuer à parler mais je l’arrêtai net :

- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. J’ai juste envie de me promener. Mais si cette promenade doit m’attirer les ennuis, j’aime autant m’arrêter là ! Quel ennemi si terrible il y a-t-il, que tu ne veuilles faire un pas de plus ?

- Tu sais très bien de quel danger je parle !

Je haussai les sourcils, lui demandant silencieusement de m’en dire plus.

- Le Morphut !

- Le quoi ?

Il me toisa encore une fois. Il avait l’air de se demander si je me moquais de lui ou si j’étais sincère.

- Quand quelqu’un s’égare dans la forêt, le Morphut le tue et le mange, puis il ramène son cœur aux dryades, ses cousines et nos ennemies mortelles. Nul à des lieues d’ici ne peut entendre parler de lui sans trembler : il a fait tant de ravages autrefois, loin de sa forêt, que sa mémoire est encore vivace. Qui es-tu, pour ne pas connaître le Morphut ?

- Je te l’ai dit : je suis Darla, et je viens de loin. Aussi, je ne vais pas me laisser intimider par une grosse bête !

- Ce n’est pas une grosse bête, c’est un géant ! Il mesure plus de cinq mètres de haut et…

- Tu l’as déjà vu ?

- Non.

- Pourtant, de ton observatoire, s’il est si grand que tu le dis, tu aurais déjà dû apercevoir sa tête. Ce ne sont que des racontars de bonne femme !

Sur son épaule, je vis Gii s’agiter. Saul poussa un soupir.

- Bien. Je te suis. Mais j’espère pour toi que tu cours vite…

Je me contentais de sourire et repris le cours de ma marche. Saul et Gii me suivaient à bonne distance, aux aguets. Mes pensées se tournaient et retournaient dans mon esprit. Et si j’avais été prétentieuse ? Après tout, Saul était né ici, et devait savoir mieux que moi ce qu’il en était. J’avais d’abord cru à un mensonge, à une invention dans le but de me détourner du chemin pour une raison mystérieuse. Or leur peur était palpable, réelle, et je me demandai maintenant si j’avais bien fait d’insister. Mais je n’avais pas envie de faire demi-tour et de ravaler ma morgue… Avec un peu de chance, leur malaise n’était dû qu’aux changements permanents. Pour ma part, je retrouvais ici un peu des Cours, dont j’avais cherché à me rapprocher. Je continuai donc, faussement assurée, aux aguets cependant.

Soudain, sur ma droite, j’entendis un bruit. J’eus juste le temps de me mettre à plat ventre pour éviter un coup de branche sauvagement lancé. L’arbre derrière moi esquiva aussi en poussant un grognement. Gii poussa un hurlement strident et j’entendis des bruits de courses, qui s’arrêtèrent vite cependant. Je les devinais cachés pas loin, l’œil aux aguets. Pour ma part, je me roulai sur moi-même et me retournai sur le dos pour me relever en prenant appui sur mes pieds et mes mains. Mais ce fut pour devoir sauter sur le côté, évitant un autre coup de branche. Je me redressai de nouveau, toisai le monstre. Il était grand, large. Mi-homme, mi-arbre, il était hideux, sa chair était ravagée de mousse, ses bras de bois gangrénée de chair. C’était, pour le moins, une métamorphose ratée… Me regardant, il grogna et tenta de s’exprimer, mais j’avoue que je ne compris rien à ce qu’il baragouinait.

- Hey ! Articule, espèce d’affreux !

Saul m’avait recommandé de courir vite si je devais rencontrer le Morphut, mais s’il paraissait fort, il était très lent, et il ne me semblait pas impossible de libérer Saul, Elia et les autres de cette monstruosité qui les empêchait d’aller où ils le voulaient…

Etendant mes bras, je laissais les ailes les remplacer des plumes et me recouvrir. Mon mouvement se termina dans les airs, et c’est face à un vautour aux dimensions anormales que le Morphut se retrouva. Je crois que j’adorais cette forêt.

Une branche à éviter. Puis une autre. Je pique, plane, esquive, et me retrouve à portée de son visage, à trois mètres du sol. De mon bec, je pique son œil droit, qui explose et saigne… Je me recule fière de moi et un peu dégoutée – l’idée était plus belle que l’acte et ses conséquences - mais je vois peu à peu l’œil se reconstituer. Soudain, la panique s’empare de moi. J’ai sous-estimé mon adversaire ! Et voilà, pour un moment de doute, je perds en réflexe et reçois de plein fouet la main-branche de mon adversaire. Je me retrouve douloureusement projetée sur le sol sans feuilles – celles-ci ayant fui, les traitresses – tandis que le Morphut me menace de ses pieds. Je n’ai que le temps de retrouver ma forme humaine pour arrêter sa racine de mes bras tendus. Un rapport de force se joue, douloureux, intense. Je sens la sueur couler sur mon front, sous mes aisselles, sur mon dos, tandis que je lutte pour que le pied reste aussi loin de moi… Je m’accroche à sa racine, la serre fort, espérant lui faire mal… Et là, contre toute attente, il relève ce qui lui sert de jambe, m’entraînant avec lui – je dois le lâcher en pleine remontée si je ne veux pas me retrouver écrasée au prochain pas… Je me retrouve à voler encore et à encore atterrir douloureusement sur le dos. Je tombe juste à côté de Gii et de Saul qui sont bien cachés dans un arbre. Sans doute même ne les aurais-je pas vus si Gii ne s’était approché de moi en disant :

- Pense qu’il s’agit d’un arbre… Combats-le comme si tu devais abattre un arbre !

J’allais m’étonner à haute voix de l’entendre parler mais un sifflement à mon oreille me fit comprendre qu’une branche approchait. Je n’eus que le temps de me baisser… Je commençais à en avoir assez de voler dans les airs et de courir sur le sol. Il était temps que cela cesse ! Il me fallait profiter de sa lenteur le temps d’élaborer un plan. Je me mis à courir en zigzag de plus en plus loin dans la forêt, tentant de gagner du temps. Le combattre comme s’il s’agissait d’un arbre ? Il en avait de bonne lui ! Je n’avais pas de hache sur moi ! Soudain, un plan se forma en mon esprit.

Tout en continuant à courir, je pris ma forme chaotique, libérant feuilles, branches et lianes. Nul doute qu’il serait surpris de voir un être si semblable à lui – mais plus beau tout de même, et plus gracieux, soyons honnête. De fait, il s’arrêta net – si j’en crus le fait que la terre ne tremblait plus sous mes pieds toutes les cinq secondes. Je me retournai et, profitant de ce moment de surprise, je fis un bond pour arriver quelques secondes à la hauteur de son visage. J’eus à peine un instant pour lancer vers lui mes branches les plus longues, branches qui se nouèrent autour de sa tête, et qui l’entraînèrent vers le bas tandis que je retombai. C’était risqué, il aurait pu être plus fort que moi, et nul doute alors que j’aurais perdu quelques feuilles, mais je profitais de ce moment où il écarquillait les yeux et ne pensais pas à résister. Tandis qu’il tombait dans une plainte déchirante, je courais vers ses racines que je tentais d’abîmer… La chair était putride, et l’écorce moisie, le membre, qui déjà ne touchait plus le sol, se défit totalement, à ma grande surprise. Le Morphut poussa un cri déchirant, sonore, qui me fit mettre mes feuilles-mains à mes oreilles. C’était si fort que les feuilles dans les arbres s’agitaient, poussées par le souffle puissant de ce cri inhumain. Je crus que jamais il n’allait cesser, mais vint le moment où il reprit son souffle. Il me regardait de ses grands yeux mouillés et émit un son dans sa langue gutturale. Je ne sus jamais ce qu’il me disait mais sur le moment cela ne m’empêcha pas de me ruer sur l’autre jambe que j’arrachai de la même manière – quel étrange être que ce Morphut, si fort et si fragile… Il commença dès lors à s’assécher, à s’effriter, devenir poussière sous mes yeux. Bientôt ne resta qu’une sorte d’œuf-graine couleur d’ébène. Je m’en approchai et le saisis. Il pulsait au même rythme que la terre, un battement faible et régulier…

Etrangement, je ne me sentais pas fière de mon acte. Son dernier regard avait été un regard d’incompréhension, comme s’il s’était senti trahi. Depuis ma métamorphose, il n’avait pas tenté de me frapper une seule fois, alors même que je m’étais trouvée démunie durant son cri… Mais déjà au loin résonnait un appel :

- Darla !

C’était Saul. Il arriva bientôt à vue, et s’arrêta net, bouche bée devant ma nouvelle apparence. Il eut un pas de recul, visiblement choqué tandis que je me demandais pourquoi il avait mieux réagi quand je m’étais transformée en vautour… Puis soudain il y eut un bruissement dans les feuilles, des lianes vinrent saisir Saul et Gii qui se retrouvèrent coincés dans les airs tandis que deux lames brillantes se croisèrent sous ma gorge.
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