Re: L'antichambre d'Ambre (Sance)

Sance Mar 23 Mar - 23:24

Je fais mine à Legros de baisser la voix, et lui dit dans un souffle en désignant une console près de la porte du bureau:

" Oui, tu as parfaitement raison. Ferme la porte, et pousse ce meuble, pour être sûr que personne n'entre."

Je m'approche et regarde le dessin - mon propre dessin ! - avec intérêt. Je chuchote avec toute la conviction et l'enthousiasme dont je suis capable:

" Un ami qui avait séjourné à la cour m'a expliqué une fois qu'il fallait s'approcher du dessin, et qu'il suffisait de le regarder longtemps, pour passer de l'autre côté. On va pouvoir sortir ! Allons-y."

Tout en surveillant d'un oeil les issues de la pièce et en gardant près de moi l'atout de ma chambre, j'incite mes compères à s'approcher du croquis. Quelques traits sur un mur, un croquis anodin en apparence, qui pourtant suffit à s'envoler par-delà les rues malades, par-delà les murailles hostiles, vers un ailleurs, vers un futur.

**Maitre de Jeu** Mer 24 Mar - 11:44

Comme de bien entendu, tu actives l'atout qui se trouble, montrant l'espace par delà le mur, accessible d'un bond.

Depuis le couloir on tente d'ouvrir la porte, bloquée par la console. Une voix rocailleuse se fait entendre.

"Bande de voleurs ! Vous êtes fait !"

Le bois près de la poignée semble onduler.

Sance Mer 24 Mar - 14:05

Tout en observant la porte qui ondule, je maintiens l'atout activé en lançant à mes trois acolytes sur le ton d'un ordre qui n'accepte aucune réplique:

- Sautez dans l'image, tout de suite !

Et alors que les trois hommes ébahis disparaissent dans une irisation intense, je lance à mi-chemin entre question et affirmation:

- C'est toi Baunickom ? Je viens de la part de ton maître.

Spoiler:

**Maitre de Jeu** Mer 24 Mar - 14:28

Ta question n'amène pas de réponse, celui qui tente d'entrer est sans doute trop occupé à agir sur l'obstacle qui lui fait face.

La fenêtre d'atout reste active, alors que tu vois tes compagnons s'éloigner à toutes jambes.

Sance Jeu 25 Mar - 0:43

* Dommage... J'aurais aimé voir ce fameux serviteur d'Aratan qui aurait pu, qui aurait dû me rendre la vie si facile -- si Ambre n'était pas devenu le lazaret qu'elle est actuellement. *

Je lance une dernière remarque à la porte :

- Je ne suis pas un voleur ! Echappe-toi avec mon croquis ! Tu pourras attendre le retour d'Aratan loin d'ici, en sécurité.

... puis je traverse le portail pour me réfugier dans une grotte le long de la plage, afin de pouvoir utiliser aussi vite que possible le croquis qui me ramènera dans la chambre de ma quarantaine.

**Maitre de Jeu** Jeu 25 Mar - 10:13

Tu ne mets pas longtemps pour te retrouver de retour dans ta chambre.

Sance Ven 26 Mar - 0:29

* Je me suis déjà fait assez remarquer comme cela ces derniers jours... Rester à l'abri quelque temps ne me fera pas de mal, le temps qu'on m'oublie... *

Je consacre les jours suivants à reprendre mes croquis. Au-delà des natures mortes et des portraits dont j'ai tant l'habitude, je repense aux hommes et aux paysages que j'ai croisés récemment... Est-ce la présence de Darla qui me manque, encore et toujours ? Malgré ma volonté, mon esprit et mon stylet s'obstinent à explorer la variété sans cesse changeante des Cours du Chaos, les passes Oméga. Mais au-delà, je repense avec fascination au spectacle des potentialités brutes, infinies de l'Abysse, perpétuel devenir sans passé. Comment représenter un tel spectacle ?

Encore un lieu qui refuse de se plier à mon art, tout comme les lieux de mon enfance. Quelque chose dans la trame de ces lieux échappe à mon entendement... Que me manque-t-il pour pouvoir les représenter par des atouts ?

**Maitre de Jeu** Ven 26 Mar - 10:54

Sans doute la connaissance des techniques plus avancées.

Les quelques jours que tu vis en ermite semblent te donner des sueurs froides. Est-ce le cloisonnement ou es-tu toi-même touché par l'épidémie suite à tes contacts révolutionnaires ?

Au bout de cinq journées, tu entends la voix de ton père, te contactant de nouveau par le biais de la surface réfléchissante de l'eau.

"Sance. Je ne crois pas qu'il soit bon que tu restes en Ambre. Trouves un miroir assez grand pour te laisser passer, je te mènerai à moi."

Sance Ven 26 Mar - 22:50

* Il veut que je vienne le retrouver ! *

Mon coeur s'accélère à la pensée des lieux de mon enfance, du monde étrange où nous vivions, mon père et moi... Dans quel état les retrouverais-je ? Sand m'a dit que le monde de mon père avait souffert, mais que Merlin avait résolu une partie de ses problèmes. Que cela signifie-t-il ?

J'acquiesce face à la surface de l'eau, pensant à ce que je risque en restant ici, que ce soit entre les murs de cette cellule ou au dehors:

"Vous avez sans doute raison, Père. Me retrouverez-vous si je pars en Ombre trouver ce miroir ?"

J'hésite un instant avant de continuer sur un ton où perce l'anxiété:

"Prenez garde à vous, Père. Je suis peut-être devenu contagieux à force de côtoyer ceux qui agonisent ici... J'espère évidemment que ce n'est pas le cas, mais je ne voudrais pas vous contaminer avec cette maladie effroyable.

**Maitre de Jeu** Lun 29 Mar - 10:31

Après avoir acquiescé à ton problème de miroir, il réfléchit, soucieux à celui de ta possible maladie.

"Le mieux serait que tu traverses la Marelle, elle te guérirait à coup sûr. Mais elle aurait sans doute conscience d'une part de ta volonté de destruction et risque de compliquer ta traversée.

Penses-tu pouvoir accéder à une des trois Marelles d'Ambre ?"

Sance Mar 30 Mar - 8:41

Je sourirais presque à l'euphémisme de Delwin. "Compliquer" est le mot... Passer la Marelle est déjà une épreuve redoutable en temps ordinaire, mais pour moi, en cet instant, il s'agit d'un danger terrifiant. Je demande sur un ton incertain:

- Ne cherchera-t-elle pas tout simplement à me détruire ? Et une fois son empreinte en moi, ne serai-je pas affecté immédiatement par la moindre de mes tentatives à son encontre ?

Et d'un autre côté, si je suis malade... Je réfléchis un instant en repensant à ma discussion avec Random:

- Je peux atteindre facilement l'intérieur du château d'Ambre, ou les premières marches de Tir Na Nog'th. Mais dans un cas comme dans l'autre, une fois sur place, je ne connais pas l'endroit exact où se trouve la Marelle.

**Maitre de Jeu** Mer 31 Mar - 15:40

Delwin passe la main dans ses cheveux. Une habitude que tu lui connais quand il s'agit de t'expliquer deux dangers équivalents.

"Je ne sais pas si tes pensées seront modifiées par ton passage de la Marelle. Brand l'a bien défiée, mais il se trouvait hors de sa vue grâce à l'atout de Martin. Ton intérêt sera par contre placé dans la balance, car tu devras détruire ce qui sera devenu un objet de pouvoir."

Logique. Qui voudrait couper la branche sur laquelle il est assis ?

"Que ce soit à Ambre ou à Tir Na Nog'th, la Marelle se trouve dans les soubassements du château. Traverser Ambre ne sera pas simple et tu devras te battre contre les gardes en interdisant l'accès. La cité céleste serait plus facile d'accès, mais il te faut un soutien qui reste au pied des marches pour te contacter par atout si la cité se fragilisait. Cependant, une fois sur le tracé, tu ne pourras être contacté. Il faudra attendre que tu aies fini ou que tu chutes."

Tu vois bien qu'aucune des deux solutions ne lui semble acceptable. Ta sécurité lui tient toujours à coeur.

"Si tu n'as pas d'autres moyens que de te frayer un chemin, je vais chercher d'autres manières de combattre ta maladie. Celles-ci existent, mais elles sont plus complexe à mettre en oeuvre. Donne-moi une semaine et sois présent devant un miroir adéquat. Si c'est en Ombre que tu le trouveras, je risque de mettre quelques jours de plus à te retrouver."

Sance Jeu 1 Avr - 18:45

* Mon père a déjà tant de soucis, et le voilà à présent qui doit en plus compter avec les errances absurdes de son fils. Sance, mérites-tu vraiment ton père ? *

Je hoche la tête silencieusement en écoutant Delwin, profondément embarrassé de le forcer à chercher des solutions à mes propres problèmes:

- Si je vous ai bien compris, Père, je suis en danger en Ambre et la seule chose qui peut justifier ma présence sont les Marelles, qui me sont inaccessibles actuellement. Dois-je donc partir immédiatement en Ombre ?

Tu es un bien étrange prince d'Ambre, Sance, qui vient jusqu'en Ambre sans pouvoir maîtriser ce qui fait la force de ta famille, le dessin délicat tracé par le sang de ton grand-père.

Tu es un bien étrange artiste d'atout, Sance, qui vient jusqu'en Ambre sans pouvoir contempler l'oeuvre du plus puissant des artistes d'atout que tu connaisses...

**Maitre de Jeu** Jeu 1 Avr - 20:01

"Non, reste en Ambre le temps de donner le change. Je ne doute pas que l'on s'intéresse à tes activités limitées. Nous verrons ainsi si tu as attrappé un simple rhume ou cette corruption du Chaos.

Tiens-toi prêt dans une semaine avec un grand miroir."

Son image se trouble avant que l'eau ne reflète que ton visage.

Sance Jeu 1 Avr - 23:45

Je contemple ma barbe naissante dans le miroir de l'eau, et je n'aime pas le regard fiévreux que je crois discerner sur mon visage. Je frémis en pensant que je suis à présent authentiquement, définitivement, en quarantaine. L'envie d'explorer à nouveau Ambre la malade s'est complètement évanouie.

Après avoir fait le ménage dans ma cellule, je profite de la suite des jours au repos pour me reposer, reprendre des forces, retrouver mon véritable visage. Je reprends avec un certain plaisir la rigoureuse discipline des monastères vishanis. Je m'astreins à des exercices de méditation toujours plus poussés. Les heures passent où je concentre mon esprit sur les différentes parties de mon corps pour une lente et patiente étude, afin de m'en assurer le parfait contrôle en particulier dans ma lutte contre la maladie qui peut-être me ronge. Mais j'étudie aussi sans relâche les pierres de ma cellule, une activité apparemment insensée... mais si je pouvais identifier la différence essentielle entre Ambre et Ombre, ne comprendrais-je pas mieux et ne dessinerais-je pas mieux la trame des êtres et des lieux ?

* Un grand miroir... Il y a bien sûr la psyché de ma chambre dans mon refuge à Vinna, que je pourrais récupérer sans difficulté. Un croquis me suffira. *

**Maitre de Jeu** Ven 2 Avr - 9:47

Les jours passent, alternance entre la recherche de la substance qui fait d'Ambre une Sur-Ombre et le repli sur toi-même à la recherche de l'extase mentale. Ton sentiment de fièvre semble s'accroître doucement, renforcé par tes pensées sur ta possible maladie et l'impression d'air vicié renvoyé par l'exiguïté de ta chambre.

Ton corps est fort et résistant, mais tu sens qu'il lutte contre un ennemi qu'il ne connaît pas. Toi qui ne te souviens pas de ta dernière maladie, n'ayant que quelques tentatives d'empoisonnement pour te faire une idée des souffrances engendrées par ceux qui sont des malades chroniques, tu as bien du mal à ne pas te sentir oppressé par ce qui pourrait être une longue agonie. Tu en viens à t'interroger sur les symptômes, les différentes étapes, l'espérance de vie d'une personne atteinte. Tu n'es pas n'importe qui, sans doute pourras-tu supporter plus longtemps que d'autres cette déchéance, peut-être même atteindre la quarantaine et, si tu pouvais faire croire à ta bonne santé, entrer dans le château et contaminer un maximum de personnes. Mais pourrrais-tu vraiment atteindre les 40 jours et 40 nuits sans que l'odeur que tu as sentie en ville n'émane de toi, te condamnant aux yeux de ton aubergiste-geôlier ?

Le brouillon que tu as dessiné t'as permis de récupérer ton ancienne psyché, trônant désormais dans un coin non visible de ta chambre. Te voir refleté dedans, dans l'attente de l'apparition de ton père t'effraie quelque peu. Ne vas-tu pas amener vers lui ta maladie ? Est-il prêt à t'aider ? A-t-il fait place nette autour de lui pour limiter les contacts ?

Tout à tes questions, il apparaît dans le miroir prévu à cet effet.

"Sance. Tu n'as pas bonne mine. Es-tu prêt ?"

Sa main proche du miroir est prête à transformer la surface vitrée en un espace flou que tu pourras traverser, comme tu l'as déjà réalisé par le passé. Le retour du fils prodigue ou la mort en marche ?

Sance Ven 2 Avr - 16:22

Une question si naturelle et qui pourtant fait écho à celle que je me posais toutes ces heures où j'attendais mon père et où j'ai contemplé mon corps, en quête des premiers stigmates. Affaibli... Malade... Et bientôt...

* Es-tu prêt, Sance ? Es-tu prêt à affronter ta dernière heure ? *

Voilà plusieurs siècles que je me suis éveillé au monde. Et pourtant, comme tous les hommes, comme toutes les femmes, mon existence a fui comme un rêve, une seconde enchantée dans les éternités gelées du passé et de l'avenir. Face à l'échéance que je devine dans le reflet du miroir obstiné, mes certitudes se sont enfuies, mes paroles se sont envolées. Un homme face à sa fin, capable seulement de murmurer la question que nous nous posons tous au dernier instant.

* Déjà ? *

Une ou deux pirouettes sur la scène brillamment éclairée de la vie, de rares applaudissements pour le spectacle de nos vaines prouesses, et nous voilà déjà précipités dans les coulisses, sans avoir eu le temps d'aimer, de comprendre, de vivre.

Ma mère, Eirinn, Dayita... vais-je vous rejoindre s'il est un lieu où vous existez encore, ou retournerons-nous ensemble dans le néant incréé des Aos Si ?

Darla, ma tendre Darla... pourrai-je te revoir un jour, et dois-je même oser y penser, si ma présence ne peut t'apporter que la souffrance et la mort ?

Si Vishan doit me faire périr pour mes erreurs et mes péchés, qu'il en soit ainsi. Mais qu'il ne m'inflige pas de voir mourir par ma faute les hommes et les femmes que j'aime. Je ne supporterai pas cette cruauté.

* Ayez pitié de ceux que j'aime. *

Pâle, tremblant, je regarde Delwin, sur le seuil du miroir à la surface ondulante et m'adresse à lui, la gorge nouée, craignant et pour lui, et pour moi:

- Je suis prêt. Mais prenez garde, Père, et ne vous approchez pas de moi. Je suis probablement malade.

**Maitre de Jeu** Mar 6 Avr - 10:11

Delwin effleure la surface du miroir qui ondule de ton côté, ouvrant un passage entre les mondes. Il se recule de plusieurs pas afin de te laisser entrer.

Comme tu ne l'as plus fait depuis longtemps, tu traverses le miroir, te retrouvant dans un espace ouvert et fermé à la fois, avec l'impression d'être dans un couloir reflètant l'infini. Une sensation qui t'a toujours perturbée, même si c'est une part de celle-ci que tu tends à représenter dans tes oeuvres. Tes atouts ne sont-ils pas un espace fini tendant vers un monde infini ?

Delwin se trouve à plusieurs mètres devant toi, semblant tantôt à un mètre, tantôt à cent. Il te guide dans ces méandres où tu distingues parfois un miroir ouvert sur un autre monde.

Vous rejoignez en plusieurs sauts de couloir le pays où tu es né et où tu as grandi, un espace où les couleurs orange et jaune dominent. Tu caresses du bout des doigts les Lys tigrés qui pulullent en cette partie extérieure du royaume. Mais alors que tu pensais te diriger vers le manoir familial, ton père prend un tout autre chemin, vers les gorges ocres, là où les rugissements du vent peuvent rendre le promeneur égaré fou, soumis à des hallucinations mortelles.

Sance Mer 7 Avr - 8:53

Pays des miroirs, monde hyperbolique, univers courbe... Un vertige me saisit, suivi d'un frisson. Est-ce la maladie ? La joie de retrouver mon père et son monde ? La peur de tout ruiner par ma seule présence ? Me voici en tout cas revenu dans ce lieu étrange entre tous, aussi déroutant pour le voyageur que les Cours ou qu'Ambre à sa manière...

J'avais rencontré à Vinna un mathématicien qui m'a affirmé comprendre les lois qui régissent cet endroit. Mais il s'agissait d'une compréhension abstraite, bien loin de ce que j'avais expérimenté quotidiennement au fil des siècles. Aurais-je été si obsédé par l'art des apparences et la réalité des êtres, si j'avais grandi dans un univers moins fou, où la lumière-même se courbe, où l'espace et le temps sont encore plus traîtres que dans les Cours du Chaos ? Serais-je devenu un artiste d'atout, un architecte, un peintre, si j'avais grandi dans une ombre moins folle ?

Heureux malgré tout de revoir cet endroit, j'avance au fil des couloirs en prenant toujours garde à ne pas m'approcher de mon père -- un exercice difficile dans une perspective si capricieuse, et surtout un crève-coeur pour moi, son fils, qui aurait tant aimé l'étreindre dans mes bras... Mais alors que les couleurs du paysage passent du jaune au brun, et que le vent forcit, mon sourire disparaît. Je suis déjà venu ici adolescent, et j'ai bien failli m'y perdre à jamais... Je me tourne vers Delwin, inquiet:

- Père, pourquoi m'amenez-vous ici ?

**Maitre de Jeu** Mer 7 Avr - 10:02

Sans se retourner, avançant avec précaution dans le défilé afin de ne pas provoquer d'éboulement, sa voix te parvient grave.

"Pour que ton héritage te sauve."

Il glisse avec dextérité sur les zones où la poussière ocre recouvre le sol, t'invitant implicitement à utiliser le même chemin que le sien. Rapidement, vous quittez ce qui semble un sentier sécurisant, chemin que les suicidaires ou les jeunes trop curieux empruntent pour préférer un passage plus abrupt, aux pierres tranchantes. A n'en pas douter, ton père est un habitué du hors piste en ce lieu.

Le vent s'engouffre en silence pour l'instant dans le défilé, soulevant des nuages de poussière qui agresse tes sinus comme si la silice qui le compose était de la poussière de verre. Ton père te jette un foulard pour te protéger le nez et la bouche, faisant de même pour sa propre sécurité.

Vous atteignez le fond de la gorge et entamez d'en longer les parois quand le rugissement du vent se fait entendre pour la première fois depuis le début de votre descente. Le son résonne dans tous tes os et un vertige te prend. Des images de plaine herbeuse, de vent, d'animaux qui fuient se font jour dans ton esprit. Tu te sens chasseur alors que le paysage défile autour de toi. Tu as envie de bondir, de grimper, de sauter d'un bord à l'autre du ravin, car tu t'en sens la force. Tu sautes d'ailleurs du rocher que tu franchissais pour te mettre à courir dans le fond du défilé, pris par tes pulsions.

Soudain, une entrave te jette au sol, brisant ton plaisir, anihilant ta joie. Tu vois l'antilope faire encore quelques bonds devant toi, se retourner pour s'assurer de ton immobilisme et repartir, sauvée pour cette fois. Alors seulement tu reprends possession de tes esprits et de ton corps, avisant le bolas qui entrave tes chevilles et ton père, observant tes réactions. Tu n'oses imaginer ce qu'il se serait passé si tu avais été pris de cette folie alors que vous faisiez de l'escalade. Sans doute aurais-tu fini comme tous ceux qui ont cherché la mort en ces lieux.

"Détache-toi et reviens vite à l'ombre de la falaise, ou les fouisseurs viendront rapidement entamer leur festin de ton corps."

Outre le rugissement du vent et ses escarpements, le lieu disposait d'autres dangers insoupçonnés.

Sance Mer 7 Avr - 13:47

Je frissonne en entendant Delwin évoquer aussi froidement la mort possible de son fils.

* Mon héritage, ici ? Pour me sauver, dans cet endroit ? *

Je desserre l'étreinte de la corde, je me redresse le long du rocher, j'accroche le lasso à ma ceinture, avec des geste méthodiques, précis, efficaces. Il faut se concentrer sur ses mouvements et ne pas laisser le hurlement du vent pénétrer mon esprit comme il le fait dans mon corps... Je focalise mon attention sur la silhouette de mon père, pour suivre chacun de ses gestes avec attention, sans me laisser distraire par ce monde insensé qui rugit autour de moi.

Un cri transperce brièvement le fracas. De ma gorge, asséchée par le vent et par l'inquiétude, sort une phrase:

- Je vous suis, Père.

**Maitre de Jeu** Mer 7 Avr - 14:08

Vous poursuivez votre avancée à l'ombre de la falaise. Par deux fois encore, le rugissement du vent te fait perdre la tête, malgré tes tentatives pour te prémunir physiquement ou mentalement de ses effets. La première t'amene à t'entailler la main sur l'arête d'un rocher pour ensuite, attiré par ton propre sang, te voir tenté de la dévorer. La deuxième te fait presque perdre la voix, t'incitant à hurler à plein poumon de rage ou d'assurance, ta tête pulsant de l'énergie que tu y mets, au point de la sentir au bord de l'explosion.

Dans les deux cas, c'est Delwin qui t'aide à sortir de ta transe, par un jet de pierre sur ta tempe ou de sable dans ta bouche. Chaque action ayant perturbé ta vision, ton esprit affuté a pu se frayer un chemin jusqu'à la réalité et permis de reprendre pied. Tu te demandes quelle puissance mentale a dû atteindre ton père afin de ne pas lui-même succomber à la force des images transmises par le vent.

Il ne te fait cependant aucune remarque sur ta faiblesse, ni verbale, ni gestuelle, alors que vous poursuivez votre chemin.

Ta gorge te pique suite au sable coupant que tu as reçus en bouche. Une fièvre monte aussi en toi, qui n'est pas dûe qu'aux efforts fournis. L'objectif semble cependant proche, une grotte de pierre ocre, véritable gueule ouverte vers un abri ou une calamité.

Vous franchissez le seuil de la grotte et une impression de pénétrer dans le repaire d'un prédateur te prend à la gorge. Tu as envie de fuir, de courir dans le sens inverse, tous tes voyants étant allumés pour t'avertir du danger. Tu ne sens nullement bien la suite du voyage, chronique d'une mort annoncée.

Delwin retire son foulard, ne craignant plus le vent et l'ocre. Il fait quelques pas dans la grotte pour prendre une torche qu'il allume. Il regarde dans ta direction alors que tu es toujours tétanisé à l'entrée. Seule ta volonté te permettrait d'avancer plus avant, mais le veux-tu ?

Sance Jeu 8 Avr - 0:02

Je suis sur le seuil, paralysé par la peur, livide. Mort si j'avance, mort si je recule, mort si je m'arrête. Quel choix me reste-t-il ?

La blessure sèche à ma tempe douloureuse. De fines gouttes rouges perlent de ma paume. Voilà ce sang, qui est autant le mien que celui de l'homme face à moi, la torche à la main.

* Que pensez-vous de moi en ce moment, alors que vous me contemplez, tenaillé par l'angoisse ?

Delwin à la main sure, au jugement rigoureux, vous n'avez jamais relevé mes défaillances, mes échecs de jadis, les observant sans faire le moindre commentaire, taciturne selon votre habitude.

Nous sommes de la même lignée, nous partageons le même héritage. Voilà pourquoi j'ai tenté de vous imiter, et même lorsque je vous ai abandonné, c'était dans l'espoir de vous revenir meilleur... Je voulais voir vos yeux briller de cet éclat de reconnaissance et de complicité que parfois, vous accordiez à mes dessins d'adolescent.

* A quoi bon toutes ces années d'errance, si je n'ai pas grandi en chemin, si je ne suis pas devenu un homme à votre mesure ? A quoi bon être votre fils, si vous devez avoir honte de moi ? *

L'odieuse question fouette ma conscience, mais c'est d'abord mon corps qui répond au défi. Mes muscles se raidissent, mon visage se crispe, dans un brusque reflux de ma volonté à la surface de mon être. Et dans ma tête résonne un tonnerre aussi assourdissant que le vent de folie que nous venons de quitter. Si je dois suivre mon père en enfer, si je dois périr sous ses yeux, que cela soit au moins la tête haute, et non comme un couard, incapable d'agir, incertain de ses propres désirs.

Un premier pas pour entrer dans la grotte. Puis un autre. Un troisième encore. D'un geste posé, presque serein, je retire le châle qui enserre ma face aux traits durcis, et demande à mon père sur un ton solennel:

- Que dois-je faire ?

**Maitre de Jeu** Jeu 8 Avr - 9:53

Delwin sait certainement ce que tu endures, comme il sait quel est le coût mental de chaque pas. Est-ce un test pour voir si tu as progressé durant ces années d'errance ? A-t-il simplement facile parcequ'il est celui qui a placé le verrou que tu affrontes ou a-t-il dû lui aussi prendre sur lui, dans le passé ou à l'heure actuelle ?

Il attend stoïque ton arrivée à bonne distance pour se prémunir de ta maladie tout en étant assez près pour te permettre de voir où poser tes pieds.

"Pour l'instant me suivre. Nous prendrons le temps qu'il faudra."

Il sous-entend que tu n'es pas au bout de tes peines et que l'épreuve ne se limite pas à rentrer dans la grotte.

"Désolé de ne pas pouvoir te soutenir de plus près."

Il s'avance dans un boyau, entamant une marche dans un labyrinthe souterrain aux tons identiques. Vous avez dû faire une centaine de mètres, de tours et détours lorsque le rugissement du vent entendu dans le défilé se fait dans la grotte. Contrairement à l'extérieur, il ne t'embarque pas dans un rêve éveillé, il t'assome littéralement. C'est un flot d'images incompréhensibles qui envahissent ton esprit, visions trop nombreuses que pour les conscientiser toutes. Des mondes, des lieux, des cadres, des êtres, des voyages, tout cela innonde ton esprit.

Une douche froide te permet de revenir à la raison. Ton père, placé à quelques mètres, vient de te détremper avec sa flasque. Tu aurais sans doute préféré qu'il te la fournisse pour adoucir ta gorge toujours en feu avec le sable, mais sortir de ces visions n'est pas négligeable. Qui sait combien de temps tu aurais pu rester prostrer ainsi, l'esprit envahit par autrui ?

"Nous ne sommes plus très loin."

Comme tu te remets sur tes jambes flageollantes, il reprend sa route.

Sance Jeu 8 Avr - 16:11

Je hoche la tête, tendu, concentré, entourant mon esprit de mes émotions pour mieux me protéger des apparences. Même si rien dans mon comportement ne le trahit, les rares mots de Delwin me réconfortent et me redonnent force, alors que progresse péniblement, à pas douloureux, le long de ces couloirs traîtres. Je suis faible, je le reconnais volontiers, mais je suis endurant, mon père, endurant et obstiné...

* Sansatman, réveillez-vous ! *

Emporté par des visions... cette fois-ci comme à Samadhi. Delwin a été plus clément envers moi. Nibod avait dû me frapper de ses poings, la première fois où je m'étais égaré dans mes méditations, pendant je participais au service quotidien de Vishan. Il m'a fallu longtemps fréquenter les prêtres pour atteindre et quitter l'illumination selon ma volonté, transformer la pure sensation d'exister en un acte intentionnel.

Mais même alors, il s'agissait de mes propres pensées dans lesquelles je m'étais perdu pour abandonner tout contact avec la réalité... Ce que j'ai croisé ici ne m'appartient pas... A qui sont ces images qui m'ont assailli ?

Alors que je reprends la route à la suite de mon père, je demande:

- Ces visions, d'où viennent-elles ?

A nouveau, il me faut progresser lentement, péniblement, dans ce labyrinthe d'illusions. Comme les mains du pèlerin qui agrippent nerveusement un talisman contre les dangers du voyage, mon regard et ma pensée sont centrés sur la silhouette de mon père, guide silencieux poursuivant un but que lui seul connaît.

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