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Hors-Série collector : Darla à la montagne - 3

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Hors-Série collector : Darla à la montagne - 3 Empty Hors-Série collector : Darla à la montagne - 3

Message  Darla Ven 19 Fév - 21:39

« La révolte nait du spectacle de la déraison, devant une condition injuste et incompréhensible. Mais son élan revendique l'ordre au milieu du chaos et l'unité au coeur même de ce qui fuit et disparaît. Elle crie, elle exige, elle veut que le scandale cesse et que se fixe enfin ce qui jusqu'ici s'écrivait sans trève surla mer. »
Albert Camus, L'homme révolté




Jour 93
J'ai atteint les premières neiges. La température a considérablement baissé, mais mon corps le supporte comme il peut. Pour l'instant, ça va encore.

Je repense, après tout ce temps, à la dernière discussion que j'ai eu avec Sance - à dire vrai, j'y songe souvent, comme à toutes celles que nous avons eues depuis que nous avons quitté le Voyager. Il avait l'air moins à l'aise, cependant, face à mon vrai visage. Il faudra pourtant qu'il s'y habitue...

Je trouve que c'est une triste limitation pour les Ambriens de n'être pas métamorphes. Pouvoir changer de forme presque à volonté a quelque chose de grisant qu'ils ne connaîtront jamais.

En même temps, il est vrai que leurs corps ne sont pas soumis aux mêmes perpétuels dangers que les nôtres. De là vient peut-être la plus grande différence entre nos civilisations. Nous sommes habitués dès le plus jeune âge à survivre, tandis que eux peuvent évoluer sereinement dans leurs jeux d'enfance. Nous sommes un peuple où la mort est facile à recevoir, facile à donner, et cela forge nos caractères dans la brutalité. Qu'en est-il pour eux ? C'est sans doute très différent. Je me demande ce qui pouvait fasciner, chez eux, ma mère à ce point.

Bien que je n'en parle pas, je songe quelquefois à elle. Simplement, j'y pense moins, et ça me fait moins mal. Je m'habitue peu à peu à l'idée qu'elle n'est plus là. J'essaie de comprendre aussi pourquoi elle a été aussi dure avec moi. Avec le recul, je me dis qu'elle a voulu bien faire, mais que je n'ai pas été la fille qu'elle aurait aimé que je sois. En même temps, aurait-elle vraiment voulu d'une fille belle, gracieuse, séductrice ? Capable de chasser sur ses plates-bandes ?

Peut-être, après tout. Peut-être est-ce la leçon qu'elle a voulu me donner avec Zork d'abord, puis avec Sance. Elle a peut-être voulu me motiver pour que je tente de la surpasser ?

Non, alors même que j'écris ces mots, je ne parviens pas à me leurrer. Comment croire que ma mère ait pu vouloir que je la concurrence ?

Mais je ne peux cependant me résoudre à conclure qu'elle souhaitait juste m'écraser. Je crois que je ne parviendrai jamais à saisir quelles aient pu être ses motivations vis à vis de moi...

Une chose, cependant, me chiffonne. Elle m'a toujours fait comprendre que je n'étais qu'un « regrettable accident ». Comment une métamorphe qui connaissait bien l'intimité de son corps peut avoir un regrettable accident de cette sorte ????

Il y a quelque d'étrange dans cette assertion que j'ai sans doute été la seule à croire. Pourquoi prétendre une chose aussi peu crédible ?

Ou bien peut-être a-t-elle simplement regretté d'avoir voulu faire un enfant à un moment de son existence. Mais ça paraît paradoxal. Et pourquoi afficher sa versatilité ? Quelle gloire y a-t-il à cela ?

D'autre part, comment mon père a pu supporter que ma mère ne lui donne pas d'héritier ? Je ne suis pas sûre qu'il existe beaucoup d'enfants uniques au Chaos, du moins, je n'en connais pas d'autre que moi. Comment cela sa fait-il ? Mon père aimait-il ma mère au point de lui passer tous ses caprices ? Mais un caprice de cette taille, tout de même...

Il y a la un mystère que je ne percerai sans doute jamais. Si seulement je m'étais posée ces questions plus tôt !

[…]

Jour 96

Ça y est, j'ai atteint le désert blanc. Je déteste ! Tout ce blanc à perte de vue, et le brouillard des nuages que je traverse, me glace l'âme plus que le corps. Quelle fichue idée j'ai eue de vouloir aller aussi loin sur cette montagne !

Elle est là, tout autour de moi, vaste, immense, solide, menaçante. On s'y sent si petit ! Et pourtant ce n'est que de la roche. Mais voilà, elle est invulnérable et toute puissante. Pour une maladresse, elle peut te prendre dans son antre et ne jamais t'en laisser sortir. Je veux être comme elle : forte et puissante, intimidante et immortelle. Je ne partirai pas d'ici avant cela.

[…]

Jour 100

Du blanc, du froid, voilà tout mon quotidien. Encore que mon corps s'habitue de mieux en mieux aux températures glacées. En fait, j'ai la vague impression que mon corps peut désormais s'habituer à tout, c'est fascinant.

Sur les conseils de Zork, j'utilise ma métamorphose pour me creuser des galeries souterraines quand vient la nuit. Trop longtemps j'ai mis de côté cet aspect de mon pouvoir. C'était une grave erreur.

Encore une fois, je me demande ce que je serais sans Zork. Il est toujours là pour moi, m'apportant sans jamais compter son aide et son soutien. Il sait tant de choses ! Et dans le même temps, je m'en veux de tant lui devoir. J'aurais préféré un rapport plus équilibré, plus sain. L'idée de devoir quelque chose à qui que ce soit me pèse. Et particulièrement quand il s'agit de Zork. Pourquoi ?

[…]

Jour 103

J'ai parlé de mon problème concernant la luminosité à Zork. Ses extensions ont trouvé lui des lunettes teintées. C'est très pratique, et en plus j'adore ! C'est écrit « Rayban » dessus, sans doute le nom de l'artisan qui les a fabriquées. Elles me vont bien, je trouve.

Fichtre ! En vrai, je suis aussi dinde que ma mère !

[…]

Jour 110

L'immensité blanche me déprime, et mon corps n'apprend plus rien. Je crois que je suis arrivée au maximum de ses capacités. C'est à peine si la marche dans la neige et le froid me fatiguent, elles m'affament plutôt. Pourtant, j'ai envie de continuer. J'ai repéré ce qui semble être le plus haut pic, mais aussi le pus escarpé. Je tiendrai ma promesse, j'irai.

[…]

Jour 120

Se retrouver enseveli sous plusieurs mètres de neige n'a vraiment rien d'intéressant et encore moins d'agréable. C'est pourtant bien ce qu'il vient de m'arriver, suite à l'avalanche que j'ai provoquée en début de matinée. Enfin, ce genre de choses ne m'arrête plus, maintenant.

[…]

Jour 125

Je retire ce que j'ai dit sur les hauteurs glacées, elles recèlent parfois quelques beautés. Comme ce lynx blanc que je viens d'affronter. C'est une pure merveille de grâce et de rapidité. Ses muscles qui se dessinent sous la blancheur immaculée du pelage sont d'une perfection émouvante. Ses mouvements d'attaques sont précis et parfaits. Même maintenant qu'il dort, tentant de récupérer des coups qu'il a reçu, il ne perd pas cette aura de puissance qui se dégage de lui. Je vais m'occuper de lui, le soigner et lui apporter à manger. Une telle créature ne mérite pas de mourir.

J'avais oublié que la beauté était encore de ce monde. Pourquoi tous les êtres pensants s'y croient-ils supérieurs ? Je les hais. Seule la nature est parfaite.

[…]

Jour 132

L'animal – je me refuse à commettre ce barbarisme qu'est donner un nom et apporter dans ces contrées merveilleusement sauvages le semblant d'une civilisation – commence à aller mieux. Aujourd'hui, il a fait quelques pas.

[…]

Jour 134

En vérité, il va désormais très bien. Mais je répugne à le quitter, et je crois que c'est réciproque. Dans le silence nous avons appris à nous connaître, à nous faire confiance. Nous nous observons mutuellement, admiratif l'un de l'autre. J'aime cette osmose simple, dont le concept même de méfiance est exclu.

Et pourtant, je mentirais si je disais que Sance ne me manquait pas.


Jour 135

L'animal a décidé de me suivre – ou plutôt de me guider. J'évolue avec lui dans la glace, sur les chemins les plus sûrs. Je ne sais comment, il arrive à chasser de petits animaux qui survivent dans ces hauteurs de blanc et de froid. Ses griffes sont redoutables. Devrais-je m'étonner qu'elles n'ont pas su entailler ma chair lors de notre lutte ?

En vérité, en armant mon corps ainsi, en en faisant cet outil parfait que plus rien ne pourra arrêter – hors la magie, sans doute – je me sens un peu moins humaine. En même temps, peut-être avais-je déjà perdu cette humanité lorsque j'ai compris – il me semble que c'était une éternité ! - que le Serpent était contre moi. En perdant tout espoir, j'avais perdu ce qui me rattachait encore à ce monde que, déjà, je haïssais.

La seule chose qui me pousse à rentrer auprès de Zork est l'idée que je vais pouvoir aider à la destruction de mes ennemis. Mais en vérité si le monde entier pouvait s'effondrer j'en serais heureuse. Tout est à refaire. Notamment les notions d'amour, d'amitié, de confiance.

Je n'ai pas changé en vrai, je m'en rends compte. Je suis juste... endurcie. Je n'ai plus envie de faire de concession. J'étais naïve. Je devais penser, quelque part au fond de moi, qu'il y avait quelque chose de bon en chaque être pensant et ressentant – y compris chez les Chaosiens et les Ambriens. Aujourd'hui, avec le recul imposé de ces longs jours de solitude, je comprends que non. Les mêmes lois qui ne permettent qu'aux plus forts de survivre dans tout système naturel régissent aussi les conflits entre seigneurs du Logrus et de la Marelle. Le Serpent et la Licorne (et quoi d'autre encore ?) y sont eux-mêmes soumis.

C'est pitoyable. Etre aussi puissant et se résigner à subir encore les lois qui dominent les faibles.

Cette loi est pourrie, mais au moins elle a le mérite d'être claire. Soit, je vais participer au jeu avec ces règles. Je vais apprendre à être forte, moi aussi. Mais pas pour régner sur quoi que ce soit. Pour détruire. En espérant qu'un jour un monde neuf apparaitra.

[…]

Jour 143

J'étais à quelques pas du sommet mais j'ai fait demi-tour. Pourquoi ? Rien ne m'en empéchait. Quelques pas après les innombrables déjà faits et j'y étais.

Mais je ne suis visiblement pas prête à repartir. J'ai encore besoin de solitude.

[...]

Jour 149

Une tempête de neige vient de commencer. Elle hurle, elle siffle, elle s'époumone autour de l'antre que j'ai dû créer en urgence pour l'animal et moi. Je me rappelle encore les mille poignards de froids qu'elle lançait contre nous pour lacérer notre peau et la force qu'elle déployait pour nous faire reculer. La montagne oppose contre nous ses meilleurs soldats pour nous forcer à reculer. Depuis que j'ai tourné le dos au sommet, je la sens hostile contre nous. Le froid est chaque jour plus cinglant, et maintenant la tempête...

Ou bien est-ce simplement la solitude qui m'égare, et l'hiver qui vient de commencer.

[...]

Jour 153

Voilà 4 jours que nous sommes coincés ici, l'animal et moi. Je commence à en avoir assez de tourner en rond dans ce réduit que j'aggrandis de jour en jour, au prix d'efforts immenses, pour des résultats médiocres. Je dois sortir, voir d'autres horizons que ces murs de pierre et de glace, ou je vais devenir folle.

[...]

Jour 160 ?

Je me suis perdue. Les nuits et les jours étant tous aussi sombres et froids, je ne sais pas pendant combien de temps exactement j'ai erré dans la montagne furieuse. Et quand la tempête s'est calmée, il restait ce froid contre lequel mon corps a dû lutter sans relâche, consommant toute mon énergie. Si l'animal n'avait profité de l'accalmie pour me retrouver, je serai peut-être transformée en bloc de glace, à l'heure qu'il est.

Bien que mon corps soit devenu aussi dur et résistant que la roche qui m'entoure, il a ses limites. Ce que la nature peut être, la chair ne peut-elle l'atteindre ? Dois-je donc concevoir des limites ?

Et si je refusais ?

[...]

Jour 162

Je tourne en rond, j'attends. Je me demande ce que je ferai une fois dehors, mais je ne parviens pas à vraiment y penser. Comme si mon esprit refusait d'envisager un "après". Peut-être que, finalement, je me trouve bien ici, à l'abri de tout. Peut-être est-ce pour cela que j'ai fait demi-tour.

[...]

Jour 165

Jusqu'ici, j'ai passé mon temps à dire non. A refuser ce qu'on voulait ou attendait de moi. Je me suis contentée de nier ce que j'aurais pu être, sans jamais définir un but à ce que moi je voulais être. On n'est pas, on devient sans cesse. Mais vers quoi est-ce que je veux diriger mon être ? Je sais ce que je ne veux pas être, mais sais-je ce que je voudrais être ? Si je devais me définir, quels termes est-ce que je choisirais ?

Je prétends savoir le monde que je voudrais, les valeurs que j'aimerais voir respecter. Mais est-ce que je les respecte moi ? Je prétends vouloir la paix, et j'arme mon corps pour la guerre, rêvant de destruction. J'ai laissé la haine me posséder, m'apprendre à aller de l'avant, à ne plus avoir peur des obstacles et des mensonges, et je rêve d'amour et d'amitié. Mon être renie mes rêves. Je porte en moi l'échec du devenir auquel je tends. Je ne vaux pas mieux que ce monde que je méprise. Si vraiment j'allais au bout de mes convictions, je me me tuerais.

[...]

Jour 173

Rien, je m'enlise.

[...]

Jour 180

Je déprime totalement. Je n'arrive pas à me sortir de mes sinistres pensées. La tempête s'est calmée depuis longtemps déjà, mais je me mure dans le silence et la solitude. C'est à peine si je bouge dans la journée. Je prends de la pierre son immobilité.

Pourtant, peu à peu, une autre pensée vient à moi, tandis que je vois l'animal évoluer devant moi. Je suis plus proche de lui que je ne le suis, en réalité, de Zork ou de Sance. Il ne ment pas, il ne triche pas. Pourtant, il tue, et cela au hasard, juste pour sa survie.

Ainsi je suis. Je ne suis rien qu'un animal. Un animal doué de conscience, ce qui complique ce qui devrait être simple. Et un animal qui a à faire à des ennemis bien plus puissants que des petits rongeurs, qui fait ce qu'il peut dans ce monde trop grand et trop complexe pour lui, et qui tente de survivre avec sa seule force - ce qui est en vérité bien peu. Trop peu.

Je fais ce que je peux, c'est tout.

[...)

Jour 183

Ne pas mourir est une chose. User de sa force à bon escient en est une autre. J'ai voulu devenir puissante, et je sais que désormais je le suis. Peut-être même quasiment invulnérable. Ce qui fait de moi une arme idéale. Je devrai protéger ce secret le plus longtemps possible.

[...]

Jour 185

Je repars. Cette fois, j'atteindrai le sommet. Certes, j'ai encore des craintes, mais aussi des certitudes. Je ne suis pas comme ce monde que je déteste, et que je veux détruire, pour le voir renaître plus beau, plus pur. C'est peut-être le moment, la guerre des Cours et d'Ambre pourrait voir la destruction des deux parties. Tant que les anciens seront là pour incarner la tradition des valeurs perverties, aucun nouveau monde sera possible. Mais enfin, je suis trop seule pour vouloir mener une révolution dans les deux pôles du multivers. Pourtant, le rêve est doux de voir une marelle et un logrus sans défenseurs, et donc sans ennemis. Les ombres au milieu seraient libres de leurs dieux injustes et égocentriques. Tout serait alors simplement beau.

[...]

Jour 189

Je vois de nouveau le sommet, mais la tempête a changé les paysages, et rendu les chemins plus dangereux. Il me faudra sans doute plus d'une semaine pour y parvenir.

[...]

Jour 192

Je me rends compte à quel point mes rêves sont loins de mes possibilités. Mes rêves inaccessibles me soutiennent, mais me vouent à un perpétuel échec. Et bien soit ! Je m'y voue avec bonheur, si c'est le seul moyen pour moi de ne pas déchoir des valeurs que je me suis fixées.

[...]

Jour 199

Demain, j'y serai. Et je ne ferai pas demi-tour.

Jour 200
J'y suis. Je suis au sommet. J'ai réussi mon défi. Mais ce n'est pas tant le but qui compte – et qui ne m'apporte rien – que le chemin parcouru. J'avais besoin de ce temps pour moi. Besoin de me recentrer. Depuis que j'avais quitté le Voyager, je n'avais pas eu le temps de quoique ce soit, sinon souffrir et m'égarer dans des conflits sans solution. J'ai fait exactement ce dont j'avais besoin. Maintenant je me connais, et je ne me fais plus peur.

Je vais jeter dans le vide ce carnet dont je n'ai plus besoin, et qui n'appartient qu'à moi. Je vais laisser ici aussi l'animal, qui ne survivrait sans doute pas à des températures plus clémentes. La seule chose que je ramène, c'est ce corps invulnérable, et les certitudes.

Je n'ai plus qu'à attendre Zork pour rentrer reprendre le cours normal des choses. Je me sens prête.


Dernière édition par Darla le Mer 24 Mar - 12:32, édité 3 fois (Raison : orthographe)
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