CYCLE D'EWAN - II. L'EPEE

1. L’épée

Me voici donc sur les lieux du crime mais la première chose que je repère c’est l’i-mag que tient devant ses yeux la fliquette censée garder les curieux éloignés du lieu. Ce que je vois, c’est ma tête sur la page entière - et le titre « quel est le secret de l’éternelle jeunesse ? » Forcément. 150 ans d’existence et pas une ride, et cela sans aide médicale d’aucune sorte, ça fait baver. Je m’avance vers la fille jusqu’à passer ma tête réelle au travers de ma tête virtuelle.

« Mon secret : beaucoup de sport et d’alcool ».

La fille pousse un petit cri, sursaute.

« Sergent ! 

- C’est comme ça qu’on garde les lieux ? Si je vous reprends encore en train de lire ce torchon je vous assure que je fais mon possible pour que vous soyez dégradée geôlière ! C’est bien compris ?

- Oui... Oui chef !

- En plus, vous avez de jolies fesses. En restant appuyée ainsi contre le mur vous empêchez le bonheur de centaines d’homme. Pensez-y.

La jeune fille rougit tandis que je lance un sourire ravageur. J’aime être le chef.

Cela fait, j’entre dans les lieux du crime. Un truc assez saugrenu d’ailleurs : le mec a un bâton de métal, fermé d’un côté par un embout large et stylisé, planté dans le corps. On a vu mieux en matière de discrétion. A une époque où les crimes se font à coup de pilules empoisonnées ou de débranchement soudain de machine à dormir, cette méthode parait être celle d’un fou sanguinaire et brutal.

Des objets sont tombés, certains se sont brisés. Pas besoin d’être un devin pour deviner qu’il y a eu lutte. Une lutte brève, cependant, si j’en crois la petitesse de la zone de combat. Je laisse l’équipe scientifique relever les indices et scanner le corps tandis que je ne cesse de regarder la barre de métal brillante. Quelque chose en elle m’attire sans que je ne puisse l’expliquer. J’ai comme l’impression que je saurai utiliser cette arme non identifiée sans grande difficulté. Ce n’est que lorsque le corps est enfin emmené que je retrouve totalement mes esprits et entame les recherches dans la baraque.

Cependant, la première chose que je fais lorsque je parviens à entrer dans ses données personnelles, c’est de me connecter à Universalis (base de données universelles) pour tenter de retrouver la nature de ce bâton de métal stylisé.

Je le trouve dans le domaine « armes archaïques de catégorie 3 ». Fichtre, ça ne rigole pas. Les armes archaïques sont notées selon leur degré de dangerosité et de capacité à « salir l’environnement immédiat ». Le classement va de 1 à 4. En fait, dans la catégorie 1, il y avait beaucoup de choses qu’on supposait être des armes mais dont on n’avait jamais compris la réelle utilité. Mais passons.

L’objet en question s’appelait « épée ». Voici la définition proposée en premier aperçu :

L'épée (du latin spatha, « chose plate » ) est une arme blanche à double tranchant composée d'une lame droite en métal pourvue le cas échéant d'une gouttière (dépression longitudinale), d'une poignée et, dans certaines époques, d'une garde protégeant la main et d'un pommeau. Cette arme archaïque de type 3 a longtemps été utilisée par des formes primitives de civilisation sur de nombreuses planètes (sous des formes plus ou moins approchantes).
La forme de l'épée détermine son utilisation :

de taille : coup portée avec le fil de l'épée (l'arête tranchante) ;

d'estoc : coup porté dans l'axe de l'épée pour transpercer son adversaire.

Là, visiblement, le coup avait été porté d’estoc. Mais enfin, ce n’était pas vraiment ce qui m’intéressait. Ce qui me faisait tilter, c’était de savoir d’où elle venait. Car si elle avait « longtemps été utilisées par des formes primitives de civilisation sur de nombreuses planètes », aujourd’hui, ce genre d’engin encombrant et interdit par la loi ne courait plus les rues. Sentant les emmerdes administratives arriver, j’envoie un télécom a un gars de mon équipe – un bleu, ça le formera – pour me retrouver toutes les épées du coin et vérifier les déclarations de vol dans les alentours.

Je m’intéresse alors à la victime et à ce qui pourrait ressembler vaguement à un mobile. Au bout de quelques heures de recherche et d’interrogatoire de ses amis et membres familiaux, je m’aperçois que ce pauvre gus devait être aussi sympathique à fréquenter qu’une morue morte, l’odeur en moins, peut-être. En tout cas, il n’avait rien dans sa vie qui faisait qu’on pouvait la lui souhaiter longue ou courte. Tout cela était bizarre… Avait-on affaire à un tueur en série ? Si c’était le cas, le bleu, avec son enquête sur les épées, aurait tôt fait de retrouver d’autres meurtres commis avec la même arme. On pourrait alors faire les recoupements nécessaires.

Quoiqu'il en soit, ce n'était plus l'heure. J'avais tout juste le temps de retrouver Martin sur Féria, pour notre concert de punkrockarcha.