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CYCLE D'EWAN - IV. La salamandre

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CYCLE D'EWAN - IV. La salamandre Empty CYCLE D'EWAN - IV. La salamandre

Message  Darla Mer 30 Mar - 23:14

Je n'aimais pas ça. C'était pas normal. Cela faisait trente minutes qu'on attendait que le preneur d'otage réponde au médiateur. C'était calme. Bien trop calme.
Soudain, je prends une décision. Ce genre de décisions qui fait pester mes supérieurs mais qui au fond les arrangent bien. Je rengaine mon arme et m'éloigne de la rangée de véhicules qui assiège le bâtiment industriel et scientifique.

A la question qu'on me pose, je réponds un « besoin naturel » qui ne les rassurera qu'un temps – le temps que j'évolue dans l'ombre discrètement jusqu'au moment où je dois m'avancer dans la lumière qui éclaire la porte du bâtiment.

Alors que, face à la caméra, je dégaine mon arme pour la poser à terre avec une lenteur qui se veut rassurante, mon télécom se met à hurler. Je le coupe. J'imagine déjà le capitaine chargé de l'affaire la bave aux lèvres. Rien que pour ça, ça vaut le coup de faire ce que je suis en train de faire.

J'entre. Le calme du bâtiment me fait oublier la tension permanente de l'extérieur. Le sol bleu clair, l'espace libre, les plantes, l'absence de mouvement est rassurant. Pourtant, quelque chose en moi se met à paniquer. Très fort.

Il y a un danger.

Un danger important.

Maintenant.

Lorsque l'explosion a lieu, je n'ai que le temps de plonger derrière un pylône pour éviter d'être propulsé par le souffle ou de recevoir des objets contondants sur la tronche. Ce réflexe me surprend moi-même alors que la chaleur se fait intolérable.

Cette fois, quand mon télécom sonne, j'ai le réflexe de le prendre. Mais je m'arrête dans mon geste. Ma main n'est plus ma main. Enfin, elle l'est, puisqu'elle est au bout de mon bras et qu'elle obéit aux messages nerveux que mon cerveau lui impulse. Mais je ne la reconnais pas. D'abord,elle est plus grosse que d'habitude. Ensuite, elle est rouge, d'un rouge de braise, plus ou moins vif selon la chaleur, et c'est pas dû au reflet des flammes qui commencent à envahir la pièce. Et ça, ce n'est pas normal. Je me demande vaguement si je suis mort et carbonisé sans m'en rendre compte. Cette pensée irréelle fait soudain augmenter la vitesse des battements de mon cœur, ce qui me fait dire que je suis vivant. Plutôt un bon point pour moi, ça.

Acceptant momentanément l'irréalité de la chose, ou ne l'intégrant pas vraiment, je saisis le télécom qui fond à mon contact. Je le regarde se métamorphoser dans ma main en chose informe et puante d'un œil vide. J'ai une vague pensée réjouie concernant mon vêtement ignifugé. Je finis par laisser tomber l'objet devenu inutilisable et regarde enfin autour de moi. A travers les volutes d'air épais que provoque la chaleur, je devine les vitres explosées, les meubles renversés, l'apocalypse.

Je me rends bien compte que je devrais reculer, profiter du miracle pour retourner parmi les vivants. Quand la fuite permet la survie, ce n'est pas un acte de lâcheté, mais d'intelligence. Pourtant, puisque je n'ai pas chaud et que les flammes ne me font pas peur, je décide d'avancer. J'étais venu pour sauver des otages, je continue dans ce sens.

Aux dernières nouvelles, le savant fou était au sous-sol, dans un laboratoire où il avait pris quelques employés en otage. Le pire est que je ne savais même pas les dessous de l'affaire, je n'étais là que parce qu'ils avaient besoin d'hommes.

J'ai l'impression d'évoluer dans un rêve. La non-réalité de la scène, les flammes autour de moi qui semblent sans chaleur, la fumée qui ne me fait pas suffoquer ni piquer les yeux me font me demander si je ne suis pas encore dans un délire psychotrope de mon médecin centenaire.

Si c'est ça, ça craint vraiment.

La question se pose de nouveau quand, parvenant en bas de l'escalier de secours, je vois mon reflet déformé dans la porte de métal poli. Mon réflexe est de pester devant mon absence de dreadlocks. Vu le temps que j'avais passé à les faire pousser, ça faisait un peu chier. Et puis je réalise que mon visage est lui aussi de braise, mais les traits me sont vaguement familiers. J'ai déjà vu ces yeux jaunes écartés, ces lèvres féroces, ce nez busqué, ces pommettes hautes.

Je pose ma main sur mon reflet comme pour en tester la réalité, mais le métal fond à mon contact, défigurant définitivement ce visage démoniaque. Il ne me manque que les ailes de chauve-souris pour être mon père.

Me sentant en plein délire, j'essaie de sortir une seringue d'adrénaline, mais la boîte en métal qui la protège fond quand je l'attrape. Fait chier ! Je sens la colère me piquer le nez. Je n'ai plus qu'une envie, que ce cauchemar de merde s'arrête le plus vite possible.

Finalement, c'est quand je retrouve l'air frais du sous-sol que je retrouve ma lucidité, et ma main – et mes dreads. Ma première pensée est que je garderai pour moi cette nouvelle faculté que je viens de me découvrir. Ma seconde est pour les otages. Ma troisième est pour la douleur qui me vrille la cuisse lors de mon premier pas. Baissant les yeux, j'aperçois une plaie saignante qui entaille ma cuisse dans le sens de la largeur. Mon pantalon imbibé de sang me fait un instant paniquer avant que je ne me rende compte que la blessure est désormais cautérisée.

Mon esprit décide pour moi que je suis définitivement dans un rêve. Je crois que c'est à ce moment-là que tout est vraiment parti en couille, bien que pour mes supérieurs tout commença quand je pris cette putain de décision d'entrer dans le bâtiment. Qu'importe. Me sentant invulnérable, je fais ce que personne d'intellectuellement satisfaisant ne fait : je suis entré dans le tas.

J'ai foncé jusqu'à la porte, me moquant bien des caméras. J'ai ouvert d'un coup de chaise la porte fermée à clé. Pour découvrir qu'il n'y avait que des morts en guise d'otages. Les cinq corps sont alignés sagement, les mains sont ligotées, les bouches bâillonnées. Sur leur visage s'est imprimé la terreur et le regret.

La colère qui monte en moi est bien plus forte encore que la première. Elle envahit mon être, brûle mes artères. Au moment où je me sens exploser, l'image des cadavres s'estompe, il ne reste plus rien de tout cela qu'une nausée et une méchante mauvaise humeur.

Ma psychanalyste me tend le comprimé anti-migraine d'un air encore plus sérieux que celui qu'elle affiche habituellement.

- Ce que nous avons découvert là est d'une importance capitale. Il semblerait que la colère provoque en vous un changement complet de l'ADN et...

Je n'écoute pas ce verbiage pompeux et pompant. Je l'imagine ligotée, bâillonnée, la peur dans les yeux vitreux et la cervelle à moitié explosée.

Je sens sa main sur mon bras. Son regard est désolé. Ça m'énerve.

- On ne saura jamais si les otages ont été tués avant ou après que vous soyez entré dans le bâtiment, Ewan. Mais au moins vous les aurez vengés en empêchant ce fou furieux de mettre fin à ses jours pour éviter la punition prévue par la justice.

Je la regarde, presque surpris que, pour une fois, elle ne se plante pas trop sur mes pensées. Peut-être que finalement elle n'était pas payé qu'à chercher, mais qu'elle pouvait éventuellement trouver.

- La médaille que j'ai reçue a de toutes manières décidé pour les faits, dis-je les dents serrées.

Je me lève soudain, réalisant que le lit en cuir dans lequel j'étais allongé pendant l'examen a noirci. Ma cuisse me tiraille encore un peu.

- Quoiqu'il en soit, j'arrête les examens. Plus question que je passe dans cette machine. Je pense que vous avez assez pour vos études.


Si elle répond quelque chose, je l'ignore. Je suis déjà loin quand elle pense à réagir.
Darla
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