Mhyn - Chapitre V

Que faire maintenant ? J’ai à peine le temps de me poser la question que la réponse intervient sous la forme d’un contact d’Atout. Julian ? Les personnes sachant manipuler les atouts me connaissant sont restreintes et certaines sont mortes, disparues. J’hésite à accepter, je mets le contact en attente.

Benedict est devant moi, son visage doux et pourtant impassible ne laisse transparaître aucune émotion. Il boit une gorgée de Pisse de Bayle et repose son verre. Nous venons de terminer une journée d’entraînement intense et je sens malgré lui sa déception quant au manque de progrès que je fournis.
- Tu ne te concentre pas assez Mhyn.
- Je fais de mon mieux, mon oncle.
- Ce n’est pas assez !
Nos conversations ont toujours été … passionnantes. Il parle peu et dit ce qu’il pense.
- Dites moi mon oncle, quel âge avez-vous ?
Je sens que je fais mouche. Il reste muet et se perd dans ses souvenirs. Un de ses rares sourires se dessine sur ses lèvres.
- Pas faux. Je crois que je ne t’enseignerais plus rien pour le moment. Reviens me voir quant tu seras prête.
- Avec grand plaisir, mon Oncle.
Sur ce il se lève, me salue et va se coucher. Je crois qu’il m’aime bien mais je ne saurais l’affirmer.

J’accepte le contact en espérant que ce soit mon Oncle. Personne, juste le noir. Que cela veut-il dire ?
- Quelqu’un ? Pas de réponse, juste l’obscurité.
- Julian ? rien de rien. Je coupe le contact.
Encore un mystère à ajouter sur ma trop longue liste. Si seulement je pouvais aller voir mes autres tantes et oncles. J’aurais interrogé par exemple Fiona sur cet étrange appel ou Bleys. Peut être Brand s’il n’était pas mort et sain d’esprit. J’ai toujours pensé que mon père me surprotégeait en me cachant de ses frères et sœurs qu’il juge non digne de confiance.
Sans compter sur mes multiples cousins du ixième degrés.
Chacun fomente dans son coin quelques plans alambiqués pour le contrôle de tel ou tel pouvoir. Bien sûr la Marelle et le Logrus sont les deux maîtres pouvoirs mais à défaut certains se retranchent sur des pouvoirs mineurs comme la sorcellerie ou des versions dégradés des pouvoirs majeurs. J’ai longtemps réfléchi aux tenants et aboutissants des pouvoirs, leur raison d’être, influence et grandeur. Si je devais écrire un jour une encyclopédie, non seulement je gaspillerais des siècles de mon temps mais surtout elle serait immédiatement contredite ou bannie par les autres membres de ma famille. J’en suis venue à la conclusion que la vraie nature des pouvoirs, des ombres et peut être d’Ambre elle-même dépend simplement de la perception qu’un individu a de tout cela.
J’ai bien peu d’expérience par rapport à mon père sur la maîtrise de la Marelle mais il a toujours été étonné par ma facilité à trouver une ombre de mon désir. Lui-même qui pourtant m’a interdit l’accès à Arden, prouesse digne d’être dans les anales, met plus de temps pour obtenir le même résultat.

Est-ce ma volonté à me retrouver en sécurité et non à chercher le danger qui m’offre cette facilité ? La Marelle ressent-elle ce besoin impérieux et y accède ? Où ais-je simplement mieux compris d’instinct les rouages du voyage en Ombre ?

Benedict m’a un jour expliqué dans un de ses bons jours l’existence de la Marelle et de ses reflets, Rebma et Tir-Na-Nog'th. Nous étions au pied du mont Kolvir, de nuit pour éviter toute rencontre inopportune et surtout pour que la lune nous fasse apparaître la cité céleste.

- Ne prêtes pas attention aux événements ni aux gens de la cité. Ils ne sont que le reflet d’Ambre, un reflet onirique basé sur les fantasmes de la famille.
- Je ne comprends pas pourquoi une cité fantôme peut avoir tant d’importance.
- L’existence d’une Marelle y joue pour beaucoup.
- Dites moi, mon oncle, je croyais que la Marelle avait le pouvoir d’ordonner les choses, de les rendre stables, comme les ombres. Comment et pourquoi la Marelle de Tir-Na-Nog'th ne peut-elle pas figer la cité ou du moins la rendre plus réelle.
Il me lance un regard interloqué.
- Excellente question je dois avouer. Seul Dworkin possède la réponse je pense. Pour ma part, je crois que la cité est bien réelle mais seulement ailleurs et qu’elle ne nous apparait qu’en ces rares moments.
Nous pénétrons la cité fantomatique et nous rendons à la salle de la Marelle.
- Tu peux la franchir, elle te conduira où tu le désireras tout comme la Marelle originelle.
Sur ce, il pose le pied sur la Marelle et la traverse. Une fois au centre, il me salue et disparait me laissant seule. Frissons. Je n’aime pas cet endroit, je rentre par où je suis venue.

Je me suis souvent demandé si la Marelle qui nous initie peut influer sur nos pouvoirs. La Marelle de Rebma est-elle plus efficace dans les ombres aquatiques ? Ce n’est qu’une réflexion basique bien sûr mais je la poserais. Dès que je trouverais une personne pour y répondre.

Méréas ? Le contact vient-il de lui ? A-t-il finit par comprendre que je suis une Ambrienne ? A-t-il acquit le pouvoir des atouts ? Beaucoup d’hypothèses et bien peu d’indices. Où est-il, que fait-il ?
Décidée, je reprends ma recherche. La Marelle me permet non seulement de voyager à travers Ombre mais aussi de trouver la personne que je désire. Ma dernière tentative a échouée mais dois-je renoncer pour autant ? Mes ennemis m’ôtent-ils l’envie de continuer ?
Bien sur que non, je suis Ambrienne et ces choses là ne nous arrêtent pas, ils nous retardent simplement.

Encore un contact, je le refuse cette fois. Je dois me concentrer sur ma tâche. J’ai tout mon temps, je dois me préparer. Je parcours les ombres et au bout de quelques semaines j’arrive à Jaennor, une ombre médiévale guerrière dans laquelle je recrute rapidement une petite armée. Je suis ici une déesse et ils m’obéissent au doigt et à l’œil. Je sélectionne exclusivement des archers, ainsi qu’une poignée de gardes du corps, armures de plaque et morgenstern. Une centaine d’individus suffiront à mon escorte.
Ceux qui en veulent à ma vie devront se passer de mercenaires isolés et opter pour quelque chose de plus gros. De plus, je devine Méréas prisonnier et je ne referais pas l’erreur d’aller le délivrer seule. Mais une trop grosse armée prendrait trop de temps à réunir et le voyage serait trop lent sans compter l’attention qu’elle ne manquerait pas d’attirer.

Je focalise mon esprit sur son visage et mes hommes et moi commençons notre marche sur la voie royale que je dessine devant nous.