Ambre
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Mhyn - Chapitre IX

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Message  Méréas Mar 3 Nov - 17:22

La bouteille m'a duré deux jours, et encore, je me suis rationnée. Chaque gorgée m'apportait son ivresse due à une malnutrition persistante. L'estomac vide, l'alcool brulait les entrailles et me rendait malade.
Peu importe. J'ai rempli la bouteille d'eau sulfureuse m'économisant ainsi de nombreux retours à la source mais à quoi bon, j'ai du temps à perdre.
Je ne peux m'empêcher de repenser à cette singulière rencontre et malgré tous mes efforts je ne parviens pas à définir de quel bord est ce nabot.
Pas du mien en tous cas, puisque je suis toujours coincée dans cette maudite vallée.

Mourir. Mourir est la seule chose qu'il me reste à faire.
Faisons vite et bien, je casse la bouteille et en saisie un tesson tranchant. Je réfléchis, ma faculté de régénération aura tôt fait de cicatriser les veines des poignées, il faut que je taille là ou le débit du sang est le plus important, l'artère fémorale, la carotide.
Je prends une inspiration. Suis-je vraiment capable de cette extrémité ? A-t-on jamais entendu parler d'une princesse d'Ambre se donnant la mort ? A ce stade je suis persuadée qu'aucun de mes oncles n'ait connu pire situation. Pas même mon oncle Corwin qui fut emprisonné dans les geôles d'Ambre, les yeux crevés.
Aussi petite soit elle, il avait une lueur d'espoir alors que je n'en ai aucune.
Le geste est important et je décide d'y réfléchir une fois de plus. De nombreuses fois j'ai renoncé à cette éventualité toujours à l'accroche d'un espoir. Aujourd'hui je suis lasse, mon corps est fatigué mais bien pire, mon âme est sans force. Mon geôlier voulait-il en arrivé là ? Baisser toutes mes défenses mentales afin de me contrôler.
Si je reste en vie, il réussira à coup sur et je ne veux pas lui donner cette victoire, la mort est la seule issue.

Envoyer un message, oui mais comment, à qui ?
Attendre les secours, la patience ne fait plus partie de mes qualités à cette heure.
User de mon pouvoir, je ne compte plus les heures à chercher ne serait-ce une trace de la Marelle.

L'éclat de verre sur ma gorge, son contact est chaud, comme tout ici. Il ne me reste qu'à appuyer et taillader.
Le morceau tombe à terre. Je n'ai même plus le courage d'en finir, mon adversaire à gagner. Je m'effondre à terre, je n'ai plus de larmes à donner.
Jamais l'envie d'en finir n'a été aussi forte et combien de fois ais-je pointé Toelena sur mon ventre ou mon cœur. Mais je ne voulais pas souiller cette lame qui m'a si bien servie. Me manquait cette bouteille, ce morceau tranchant et maintenant que je l'ai, j'abandonne.

Les princes d'Ambre ont-ils une alarme interne leur interdisant d'en venir au suicide ? Est-ce un déshonneur si grand qu'il est inscrit dans nos gênes ?
Après des heures je me relève, mon instinct de survie m'obligeant à boire et à manger. Aïe, le verre s'est fiché dans la plante de mon pied. Mes chaussures si usées ne me sont plus d'aucune protection.
Des gouttes de sang perlent au sol. Je recule, surprise.

Des volutes de fumée s'échappent du sol là mon sang a touché. Comment est-ce possible ? Je sais que le sang des chaosiens possède certaines propriétés, je sais aussi par mon père que notre sang est meurtrier pour la Marelle.
Jamais par contre je n'ai entendu un effet particulier du sang d'Ambre sur le sol même d'une ombre. Je me penche est examine la réaction. Mon sang semble dessiner une ligne, fine et s'estompant rapidement.
Je prends Toelena et me pique le doigt, des gouttes tombent. Je ne comprends plus, mon sang est au sol mais plus de fumée, plus de ligne.

Je m'assieds et réfléchis. Rapidement, je reprends le morceau de verre et me pique de nouveau un doigt, le sang coule, la fumée apparait, la ligne se poursuit.
Je ris. Je rassemble tous les morceaux de la bouteille et les range dans un sac de fortune. Je ne garde que le tranchant. La ligne se prolonge sur quelques mètres à peine visible.
Calcul mental. Une goutte pour deux mètres, bien, cela me laisse quelques kilomètres avant de tomber d'inanition. Je continue, goutte, ligne, goutte ligne. Le procédé dure des heures mais la ligne de mon sang continue droit devant sans jamais tourner, je la suis à la fois pleine d'espoir, d'effroi et intriguée.

Il faut bientôt que je renouvelle mon sang, boisson et nourriture sont obligatoires. Jamais les scarabées et l'eau sulfureuse ne m'ont paru aussi délicieux, le goût de la liberté.
A moins que ce ne soit un nouveau piège. Qu'ils aillent se faire foutre, tous, j'ai enfin une distraction, merci le nabot.
Voilà trois jours que je suis la ligne, j’ai traversé deux vallées et mes doigts s’infectent de nombreuses blessures que je leur impose. Mes mains ne sont que douleur et je me dois de stopper le temps de guérir.
Mon royaume pour un bandage et du désinfectant. Je déchire les quelques lambeaux qui me servent de vêtements pour finir nue, les mains bandées. Je n’arrive plus à deviner la couleur de ma peau, la texture de mes cheveux, je ne suis que crasse.

Je poursuis ma route, celle que mon sang me trace par l’intermédiaire de cette étrange bouteille. Chose plus surprenante, au bout de quelques heures sans que je m’en sois aperçu, les morceaux dans mon baluchon s’étaient reconstitués pour reformer la bouteille intacte hormis la pièce que je garde à la main pour faire perler mon liquide vital.

Comment décrire l’émotion de ce que je vois après des jours sans fin de poursuite imaginaire. Un arbre ! Feuilles vertes, tronc brun, un arbre dans la vallée. La ligne va droit dessus mais je n’ai plus besoin d’elle, je cours et étreins l’arbre comme s’il s’agissait de ma mère. Je tourne la tête et aperçois au loin les prémices d’une forêt. En quelques minutes de sprint, j’arrive sur un tapis de mousse sur lequel je me jette. Je ris aux éclats. Mes oreilles me font entendre un murmure des plus plaisants, de l’eau vive. En moins de deux minutes me voilà à l’eau, fraiche, claire, divine. Je ne cesse de rire, de boire, et pauvre poisson, je ne prends même pas la peine de te faire cuire. Je m’étends toujours nue sur l’herbe et m’endors aussitôt. A mon réveil la nuit est tombée et j’ai froid. Je trouve rapidement des vêtements confortables ainsi qu’un repas copieux. Le pouvoir est revenu. Je vais pour jeter la bouteille mais m’en retiens. Amusée, je place l’ultime morceau à son emplacement, la magie opère, il se fond dans le reste pour ne plus être visible quelques secondes après. Je vais la remplir à la rivière et en bois une large goulée.

La bouteille tombe, ma main l’ayant lâchée sous l’effet de la surprise. Les yeux écarquillés, je la ramasse et de nouveau la lève à la lueur de la Lune. La Marelle ! la Marelle apparait en reflet sur les pourtours de la bouteille, scintillante et magnifique comme dans mon souvenir.
Méréas
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