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CYCLE D'EWAN - VI. Le coup du sort

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CYCLE D'EWAN - VI. Le coup du sort Empty CYCLE D'EWAN - VI. Le coup du sort

Message  Darla Ven 1 Avr - 18:32

La musique fait vibrer chaque parcelle de mon corps, je sens mon cœur se noyer et se perdre dans le rythme effréné que tape Kendrix sur ses tonneaux, balançant ses sons sourds rendus plus sourds encore par le système électronique. Martin fait vriller les cordes de sa guitare électrique à la limite de la rupture auditive et moi je hurle dans le micro des chansons d'amour d'une mélancolie que seule la violence de la musique peut restituer. Ma veste de cuir colle à ma peau trempée de sueur, mes dreads me tiennent trop chaud sur mon cou et mes épaules mais je ne m'en rends pas compte. Je vois devant moi la petite salle bondée qui scande mes refrains avec ferveur. Ils m'adorent, je suis pour quelques secondes encore leur dieu vivant qui scande et saccage leurs émotions avec ma voix d'un grave presque inhumain. Ils m'appartiennent comme je leur appartiens, et, à ce moment ultime où nous savons que le plaisir va devoir s'arrêter, nous nous jetons tête baissée dans la jouissance pour en profiter jusqu'à la dernière seconde.

Lorsque la lumière s'éteint, signant la fin du concert, les hurlements des spectateurs me parviennent comme un lointain écho à travers mon délire. Je sens la main de Martin me taper l'épaule alors que la lumière se rallume pour nous permettre de saluer le public complétement drogué qui nous acclame qui grognant, qui tapant des pieds, qui poussant la voix dans la limite de l'insupportablement aigu. Nous leur balançons nos tee-shirts trempés, une fille fait un malaise et nous quittons la scène, ovationnés.

Le visage de Martin est radieux.

- Nous avons fait une tuerie ce soir !

Je hoche la tête, souvent il me faut du temps pour récupérer une voix qui supporte mal d'être torturée pendant des heures. Nous allons jusqu'à la loge, nous puons le fauve, de véritables infections ambulantes, et très vite le sas à vapeur douce est allumé. J'y vais le premier, comme toujours, je ne supporte pas de n'être pas propre, ça me rend grognon et mes potes le savent.

Je mets la pression max, ainsi que la chaleur. La voix féminine et sensuelle de la machine me prévient que cette chaleur ne convient pas si je suis un enfant ou une personne âgée, et que la compagnie se déresponsabilise des brûlures qui pourraient survenir. Je la fais taire d'un coup de poing et me laisse aller à cette eau brûlante qui fait rougir ma peau.

J'arrive désormais à me transformer quand je le veux mais la chaleur, ou le danger, m'aide à retrouver le processus que mon corps maitrise mal encore. Et puisque cette transformation m'aide à cicatriser des plaies dans les cuisses et les coupures au couteau, elle soignera peut-être aussi ma gorge douloureuse. Que ce putain de talent serve à quelque chose !

C'est Martin qui me déloge en tapant comme un taré qu'il est sur la porte translucide du sas. Il est le seul à qui j'ai parlé de ma métamorphose mais je vois dans son regard qu'il a encore du mal avec ça. On a essayé de voir s'il a le même don, mais il a juste eu une brûlure au bras. Cette différence marque entre nous un écart nouveau : nous nous étions espérés frères, on sait maintenant que ce n'est pas le cas.

Je sors donc, après avoir repris ma forme humaine. Même ainsi, je le dépasse en long et en large. Il est si maigre qu'on croirait qu'une pichenette pourrait le faire tomber, et si blanc qu'on croirait qu'il ne boit que du lait. Un vrai ado attardé. Ne lui manque que l'acné. Mais le sous-estimer est une lourde erreur ; sa force, si elle n'égale pas la mienne dépasse celle de beaucoup d'hommes et son endurance surpasse de loin la mienne.

Je sors de la salle d'air à moitié nu, avec juste une serviette autour de la taille. Kendrix, affalé sur le fauteuil, les deux jambes en l'air, pianote sur la table en reparlant technique avec Muros, son frère, qui lui s'occupe de la basse. Tous deux viennent de Graig, ont la peau noire comme charbon et les yeux violets. Ils ont des épaules à défoncer des chars, mais je les dépasse de quelques centimètres, eux aussi. Je passe entre les deux avachis pour piocher dans mon sac quelques affaires et surtout le parfum dont j'inonde ma peau, et parfume la pièce.

Lorsque notre « manager » - un opportuniste qui se fait du fric sur notre dos en nous évitant les démarches administratives qu'aucun de nous quatre ne veut se taper - ouvre la porte pour laisser entrer une « dame qui veut nous voir », je suis de dos, contemplant dans un miroir mes dreads que je pense à couper pour avoir moins chaud lors des concerts. C'est le silence qui se fait soudain, et l'odeur de musc qui traverse mon propre nuage de senteur, qui me disent que c'est Mme Barme qui est là. J'ai un sourire ironique quand nos regards se croisent dans la glace. Cette fois, ma belle, tu ne m'auras pas. J'ai bien songé à ta petite discussion avec ton soi-disant frère. Qui que tu cherches, tu ne l'auras pas. Le reflet de son regard me renvoie une assurance qui me donne envie d'étrangler son petit cou d'albâtre et de l'embrasser sauvagement.

Je finis par me retourner et aller à sa rencontre. Je baise à nouveau sa main, mais cette fois mon geste n'est pas dénué de dérision.

- Mme Barme, vous excuserez notre laisser-aller, mais nous venons juste de sortir de concert.

- Je sais, j'ai vu. Impressionnant.

Les deux frères se rengorgent tandis que je libère un fauteuil des affaires que Martin, comme d'hab, a laissés trainer. Je sens sur mon dos le regard de la dame sans pouvoir en deviner les émotions. En général, ma musculature bronzée ne laisse pas les femmes indifférentes. Mais celle-là ?

Ce n'est que lorsque je reviens à ma place que je m'aperçois qu'elle ne s'est pas assise. Je hausse un sourcil interrogateur.

- Et vous êtes venue pour quelle raison, exactement ?

Elle a un petit sourire en coin, qui me la fait comparer à une petite fille malicieuse qui va impressionner ses parents et qui le sait. Elle tend sa petite main qu'elle tenait fermée jusque là et l'ouvre, laissant voir le petit circuit info transparent que j'avais collé à sa boîte.

- Je suis venue vous ramener cela, que vous avez incidemment oublié sur mon étui. J'imagine que ce petit autocollant a dû se coller par hasard sur l'objet que je vous avais confié.

Je me dirige vers elle sans la lâcher du regard. Je fais mine d'observer l'objet :

- C'est possible, en effet.

Au moment où la peau de mes doigts touche la peau de sa paume dans le but de récupérer l'objet, je sens une douleur me vriller le crâne, me faisant oublier forme, couleur, son. Il n'y a rien que le noir et la voix de Mme Barme.

« Ne te mets pas en travers de notre chemin. »

Sa voix, étrangement, n'est pas agressive, au contraire même, mais je ne doute pourtant pas qu'il s'agit d'une menace. Cela dure si peu de temps que les deux frères n'ont rien vu. Mais lorsque ma vue revient elle est un peu floue encore, l'acouphène est dérangeant et je sens sur mon front et sur ma nuque une mince pellicule de sueur qui n'y était pas quelques secondes auparavant.

Son regard n'a rien d'un regard de vainqueur, elle semble presque désolée de ce qui vient de survenir, et qu'elle a elle-même provoqué. Je ne sais pas trop si, pour ce regard, je la déteste ou l'adore.

Alors que, sans ajouter un mot, elle s'apprête à quitter la pièce, Martin sort du sas de vapeur. Ce que je lis dans le regard de celle qui est devenue mon adversaire malgré moi ne me plait pas. La surprise, puis l'air réjoui qu'elle arbore font naître des frissons qui parcourent ma peau presque douloureusement. Pourtant, elle quitte la pièce, avant même que Martin ne puisse réaliser sa présence, prenant à peine le temps de me jeter un regard pour comprendre que j'ai vu ce qu'elle aurait voulu que je ne vois pas.
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