Dur comme pierre (Darla)

Je claque la langue, réfléchissant. Les guerriers, je ne les crains pas, ni les poisons des bêtes sauvages... Mais la magie... Il y a quelque chose dans les pouvoirs de l'esprit, dans la pensée mise en action, de tout simplement terrifiant. Je me suis toujours méfiée de cette arme qu'on ne pouvait ni esquiver, ni parer, et je l'avais fuie comme la peste, sans chercher à la connaître. Mais il faut bien avouer que c'est justement cette ignorance des choses qui me les rend plus effrayantes encore... Et si je fuis quand le problème se pose clairement devant moi, défini à l'avance comme étant ma pire crainte, qu'en sera-t-il lorsque j'aurai à l'affronter à l'improviste ? Serai-je alors pétrifiée de terreur ? M'aplatirai-je comme une esclave sans volonté ?

Peut-être est-ce le moment d'affronter ma crainte...

Je reste un moment silencieuse, tiraillée par ma volonté de vaincre ma peur et ma peur elle-même, superstitieuse, infondée, mais vissée profondément en moi. C'est avec un immense effort - bien plus lourd que toutes les pesanteurs des univers - que j'articule :

- Ton point de vue me semble pertinent.

Je tais les raisons réelles qui me poussent à accepter sa mission, qui sont intimes, elle devra donc se contenter de ça.

- Et bien soit, alors. Marché conclu ?

Loreen est in instant étonnée de ton revirement subit, mais passe outre.

"Heureuse de te l'entendre dire. Nous pouvons continuer de discuter des détails de notre accord dans un endroit plus agréable ? Un grand restaurant te conviendrait ?"

Tu ne sais si ce sourire cache autre chose que le plaisir d'avoir conclu un accord avec toi.

Etonnée, je ne le suis pas moins qu'elle, me rendant compte soudain que j'aurais préféré qu'elle trouve un prétexte quelconque pour rendre mon courage inutile - ou qu'un arbre lui tombe sur la tête pour annuler le marché. Je songe un instant à la tuer moi-même pour ne pas avoir à affronter ce mage - l'affronter elle, par derrière, serait déjà une épreuve assez difficile (peut-être les mages ont-ils des yeux derrière la tête ?)...

La peur qui me vrille de nouveau le ventre me fait comprendre la futilité de mon courage tout de pensée. Mais maintenant que je me suis engagée, je ne peux plus reculer - je peux juste me maudire d'avoir trop réfléchi au mauvais moment (cela m'aurait beaucoup moins coûté si, comme avant, j'avais attendu qu'elle soit très loin pour commencer à méditer sur moi-même).

Je me rends compte aussi, alors que je commence déjà à soupeser la pierre dans ma main, que si je la tue elle, je n'aurais jamais les atouts qui me permettraient de retourner sur le Voyager et d'interroger Janeway et Q sur cette plante verte qui, en ce moment même peut-être, pourrit mon organisme - et celui de Sance - de l'intérieur.

Survivre, toujours survivre, dans le seul but de survivre. Triste vie.

C'est donc avec toute la rancoeur que je me voue que je regarde son sourire de mauvais augure. Mais, en même temps, quitte à tuer quelqu'un pour elle, je peux bien lui faire confiance pour aller manger - manger dans un grand restaurant, j'en salive d'avance ! Au pire, si elle m'a trompé, je lui fracasserai la tête à coups de pierre et je n'aurai pas à affronter ce maudit mage, que je hais d'avance. Cela dit, si elle avait voulu me tendre un piège, elle ne m'aurait pas avoué qu'il s'agissait d'un mage alors que je venais juste de déclarer que c'était la sorte d'ennemi que je redoutais le plus...

C'est donc la main bien serrée autour de la pierre (on ne sait jamais tout de même) et avec un sourire reflet du sien que j'accepte avec une joie stomacale bien réelle :

- Ca me parait une bonne idée.

Spoiler:

Mise en confiance par le fait qu'elle n'ait pas essayé de forcer ma psyché (ou bien je ne m'en suis pas aperçu), je me laisse un peu plus aller et lui réponds par mes ressentis, si bien que c'est un flot que je lui envoie, une vague de sensations et d'émotions un peu brouillonne, pêle-mêle, qui est ma manière à moi d'appréhender les choses - toujours de front et jamais avec du recul.

C'est donc des sensations diverses qui lui arrivent : l'excitation à chaque découverte d'une nouvelle planête, la chaleur contrôlée de l'air conditionné ; la voie de Janeway donnant des ordres ; bruit feutré des bottes sur la moquette ; l'émerveillement de ceux qui viennent sur la passerelle pour la première fois ; le la chaleur de la main de Sance sur mon épaule ; le regard toujours distancé du responsable de la sécurité, Ian ; la couleur rouge des costumes ; l'agitation fébrile des gens qui passent en ayant l'air d'avoir des choses à faire ; les réponses de Paris à Janeway ; la voix métallique de l'ordinateur ; les effluves de parfum de certaines femmes ; la ruguosité de la moquette des sièges ; les explications scientifiques de Méréas ; et puis mes sentiments propres : qui sont les mêmes que les autres, mais avec en plus une envie de prouver ma valeur, la sensation du calme enfin trouvé, un peu d'ennui et l'attachement mélé d'indifférence qui me lie à ce vaisseau.

Je remercie le serveur d'un sourire et me donne le temps de manger la première bouchée avant de répondre - autre manière de tourner la langue sept fois dans la bouche avant de répondre, horrible conseil, jamais appliqué, de ma mère. De fait, ce temps de réflexion ne change rien : je n'ai pas vraiment le choix, ce n'est pas par mes maigres moyens que j'arriverai à rejoindre le Voyager et à interroger Janeway.

- Oui, cela me convient, dis-je simplement. Maintenant, abordons l'autre facette de la pièce. De qui dois-je verser le sang ?

Loreen se remet à manger, te répondant avec intermitence.

"Pour l'instant, il est dans un endroit indéfini. Peut-être avec Merlin, mais sans assurance, car on ne l'a plus vu depuis plusieurs mois avant le push. Ton action n'est donc pas attendue dans l'immédiat, à moins que l'occasion ne se profile.

Tu vois, tout comme ta demande prendra du temps, la mienne n'est pas une action immédiate."

Quelques mastication plus tard, elle conclu tes remarques.

"Pour ton extraction éventuelle, nous verrons ce qu'il est possible de faire selon l'endroit où tu te trouveras. Mais un atout devrait pouvoir suffire dans la majeure partie des cas."

Elle termine son assiette en deux coups de fourchette.

"Tu sais comment me contacter au besoin et je te ferai signe lorsque nous aurons atteint le Voyager. Si tu trouvais Mandor avant nous, prends le temps de t'approcher de lui sans te griller et essaie de me le faire savoir. Ce serait dommage de perdre une bonne occasion sur un empressement, mais tout aussi dommage de ne pas la prendre pour un simple contact."